Une fois encore, la leptospirose inquiète. Avec la fin de la saison des pluies, nous sommes dans la phase la plus intense de la maladie et cette année, le nombre de cas est «nettement supérieur à celui habituellement recensé à cette période». C’est ce que constate l’institut de veille sanitaire (INVS) qui fait un point sur la maladie dans son dernier bulletin épidémiologique.
A Mayotte, 130 nouveaux cas de leptospirose ont été déclarés au cours des 4 premiers mois de l’année 2017. A une exception près, tous les malades ont contracté la maladie dans le département. Seul, un patient a été contaminé à Anjouan. Le nombre de malades est similaire à celui observé l’an dernier (135 cas en 2016) mais il s’agissait déjà d’une mauvaise année. Comparé à 2015 où il n’y avait «que» 48 cas à la même période, Mayotte compte près de 3 fois plus de malades. Et ce n’est pas fini.
Car en 2017, les conditions qui permettent l’expansion de la maladie ont été particulières. L’épidémie saisonnière s’est en effet décalée dans le temps à cause de l’arrivée tardive de la saison des pluies. Les premiers épisodes de pluies significatifs ont été observés au mois de février avec 436mm de pluie sur l’ensemble de l’île et comme c’est toujours le cas, le nombre de malades a augmenté très fortement deux mois après: 72 cas de leptospirose ont été signalés durant le seul mois d’avril (56% des malades depuis le début de l’année). L’INVS relève que ce pic mensuel «n’avait jamais été atteint auparavant».
Les tours d’eau ont un impact
Les coupures d’eau dans le sud tout au long du 1er trimestre ont aussi eu un impact très clair sur la propagation de la maladie. Avec une pluviométrie comparable dans le sud et le nord de Grande Terre, le nombre de cas de leptospirose «a été significativement plus élevé» au sud, indique l’INVS. On y compte 38 cas conte 23 malades au nord.
«Il est possible que les populations impactées par ces tours d’eau aient eu un recours plus fréquent à des eaux de surface contaminées pour les besoins d’hygiène ou autres usages domestiques», explique le bulletin.
Sur les 129 cas autochtones survenus au cours des 4 premiers mois de l’année, 17 ont été hospitalisés dont 4 en réanimation et un décès a été enregistré un jour après l’hospitalisation. Un tiers des patients a moins de 20 ans et les hommes sont deux fois plus concernés que les femmes.
Les rats et la terre
Les responsables de la veille sanitaire ont cherché à connaître la façon dont les patients ont contracté la maladie. Ainsi, 48 patients ont été interrogés et il ressort que 43 d’entre eux vivent dans un environnement où des rats sont présents, qu’ils habitent dans des maisons en dur ou des bangas en tôles. Cette présence de rats s’explique souvent par l’accumulation de déchets dans l’environnement proche et par la présence de poubelles ouvertes.
Près de la moitié des patients indiquent également au moins une baignade en rivière et 11 patients une lessive en rivière. Autre fait marquant, 35 patients ont pratiqué l’agriculture le mois précédant la maladie dont 9 à titre professionnel et quasiment tous, sans aucune mesure de protection comme des gants ou des bottes. 14 patients pratiquent également l’élevage dont 3 à titre professionnel et, là encore, la majorité n’utilisait pas de protection.
Enfin, 36 patients ont expliqué qu’ils marchent souvent pieds nus ou en savates.
Au final, les activités agricoles et les activités aquatiques de loisir ou domestiques jouent donc un rôle évident dans la contamination par une maladie qui intervient par le contact de petites plaies avec des eaux souillées par des urines d’animaux.
D’autres malades à venir
Le nombre de cas est donc déjà important mais il y a matière à être inquiet, car si ces malades ont contracté la maladie en février, il a également beaucoup plus en mars et en avril. Cette année, on pourrait donc connaître une épidémie exceptionnellement longue avec encore, de nombreux malades à venir.
Une fois encore, il est donc important de rappeler qu’il faut éviter de marcher pieds nus dans les flaques ou se baigner dans les rivières, porter des gants et des bottes quand on est en contact avec la terre et surtout consulter sans délai un médecin en cas d’apparition des symptômes: une fièvre brutale avec frissons, maux de tête, douleurs musculaires, troubles digestifs… Après un contact avec des eaux porteuses des bactéries, la leptospirose débute après une incubation de 4 à 19 jours et peut avoir de lourdes conséquences.
RR
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