Les aides européennes ont en partie sauvé ce qui fut la florissante industrie de l’ylang à Mayotte. Mais malgré les dispositifs de subventions, le secteur est en sursis : production décroissante, distillation des huiles essentielles pas assez rémunératrices. Mais c’est le bon moment pour relancer la filière : dans toute la région, la conjoncture est bonne, la demande étant bien supérieure à l’offre.
Les experts de la Daaf ont donc planché pour trouver une véritable voie de relance et le modèle choisit de ne pas être celui suivi par les Comores. Nos voisins ont organisé les producteurs, formé des techniciens d’encadrement qui aident à la replantation et modernisé les alambics grâce au financement par les acheteurs d’huile essentielle.
Chez nous, «il faut aller au-delà car le différentiel de coût de main-d’œuvre (…) oblige à mobiliser des aides publiques compensatrices. C’est donc l’ensemble de la filière qui doit être mobilisé autour d’un projet commun : aussi bien les producteurs, les distillateurs, les transformateurs que les acheteurs», note la Daaf.
Des plantations de 2 hectares
Pour savoir quoi faire, les experts ont calculé la surface nécessaire pour faire vivre une famille de sa production de fleurs d’ylang: il faut au moins 2 hectares. Débroussaillage et cueillette peuvent en effet occuper toute une famille à temps plein, en fonction des moments de l’année.
Pour que l’ylang soit à nouveau porteur, il faut donc que la culture d’ylang permette de dégager des revenus «au moins équivalents au manioc ou à l’arboriculture», estime la Daaf.
Compte tenu des coûts et de la productivité (environ 2.000 kg de fleurs par hectare et par an), le prix payé à la fleur devrait être de 4,5 à 5,8 €/kg pour générer la marge nécessaire.
Pour 2ha, cela représente «près de 22.000€ de revenu annuel pour le ménage, ce qui est décent sur cette seule production, qui n’empêche pas d’avoir d’autres productions à coté comme des moutons sous ylang, ce qui réduirait les charges de débroussaillage», estime la Daaf.
Un challenge pour le pôle d’excellence rurale de Coconi
Pour réduire les coûts et donc augmenter les revenus, la Daaf préconise d’abord une industrialisation de la distillation, avec une «installation d’alambics en série sur un point central de l’île». Si le projet aboutit, il faudra bien choisir le lieu car la distillation des fleurs doit être réalisée dans un délai de 5 heures après la récolte. Des essais de stockage en chambre froide peuvent aussi solutionner en partie ce problème.
La Daaf relève également qu’il serait intéressant «d’expérimenter un mode de distillation différent selon les types» de fractions d’huile essentielle. «Ces travaux d’optimisation du processus de distillation peuvent être un challenge pour le Pôle d’Excellence Rurale (PER) Ylang en cours de mise en place à Coconi».
Il semble évident que le pétrole, le gaz ou l’électricité devront être préférés au bois pour des raisons de coûts et de main d’œuvre.
L’île aux parfums
Avec ce système, les producteurs pourront bénéficier de davantage de plus-value et les acheteurs d’une plus grande stabilité de la qualité de l’huile produite, de quoi sécuriser «les débouchés en signant des contrats long terme avec les acheteurs et parfumeurs».
Concernant les aides, la Daaf propose qu’elles soient gérées à l’échelon des distillateurs. Avec peu d’unités de distillation, la gestion administrative serait d’autant plus rigoureuse et la qualité des produits entrants et sortants minutieusement contrôlée. «Aujourd’hui, une structure organisée, capable de gérer rationnellement les flux de matières et de maximaliser les aides, pourrait acheter les fleurs autour de 2.50 €/kg», affirme la Daaf. Il faut donc faire évoluer les aides selon de nombreux dispositifs pour permettre d’atteindre les revenus visés.
Pour la Daaf, la filière ylang a donc encore une chance de renaître. Il faut revitaliser les 100 hectares de plantations d’ylang encore présents, en se plaçant dans une perspective d’augmentation à 150 ha dans quelques années, ce qui ferait vivre «correctement de leur métier» entre 50 à 75 familles agricoles. Et ces investissements seraient également créateurs d’emplois dans la distillation et dans la fabrication de produits dérivés comme les cosmétiques.
Enfin, il ne faut pas oublier la dimension symbolique du secteur : Mayotte pourrait bel et bien rester l’île aux parfums.
RR
www.lejournaldemayotte.com