Notre île dispose actuellement d’une production électrique de 120,24 mégawatts (MW), fournie par deux centrales thermiques, les Badamiers (38MW) et Longoni 1et 2 (73MW), et 73 centrales photovoltaïques (9,24MW). Comme le montre le tableau, la production par utilisation de ressources fossiles (pétrole et gaz) a augmenté rapidement ces dernières années, (+12,4% entre 2010 et 2014, selon la PPE 2016-2018/2019-2023), mais plus lentement que la production de photovoltaïque qui a été multiplié par 2,7 depuis 2010.
Dans ce secteur, le potentiel est énorme : avec ses 1.400h d’ensoleillement par an, Mayotte détient le record de l’ensemble du territoire français. Et pourtant, les énergies renouvelables ne participent que pour 5,6% à la production électrique.
Petite aparté, pour établir leur programmation pluriannuelle, les auteurs n’ont pu disposer de chiffres postérieurs à 2011, l’Observatoire Mahorais de l’Énergie ayant disparu l’année suivante…
Mayotte est contrainte d’importer massivement des ressources fossiles, une vulnérabilité qui la rend dépendante à leurs variations de prix, souligne le document, et lui procure « une qualité de l’électricité inférieure à celle livrée en métropole, notamment une fragilité des réseaux d’acheminement lors des conditions climatique extrêmes ».
Pas de stocks stratégiques de carburant
En 2014, l’augmentation de consommation de produits pétroliers était de 7,1%, en lien avec l’augmentation de la consommation d’électricité produite à partir du gazole, et la croissance du parc automobile. Or, bien qu’imposé par l’article L. 642-2 du code de l’énergie, il n’y a pas à Mayotte de stock stratégique de carburant, pointe la PPE. Et ceci, alors que les quantités résiduelles disponibles sont très faibles au moment du réapprovisionnement (l’autonomie est de 158 jours pour l’essence et de 43 jours pour le gazole).
Ce qui ne va pas aller en s’arrangeant, EDM prévoyant la construction de Longoni 3 entre 2021 et 2022, ses besoins d’approvisionnement en gazole vont aller crescendo.
Une alternative à l’approvisionnement au tout pétrole semble donc stratégiquement nécessaire, tout d’abord pour sécuriser l’alimentation électrique. La production d’électricité monte en puissance mais la durée moyenne annuelle de coupure, bien qu’en amélioration, pour des raisons de déséquilibre entre l’offre et la demande d’électricité est encore de 3 heures, précise le Décret no 2017-577 du 19 avril 2017 relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie de Mayotte.
Biomasse et photovoltaïque
L’objectif visé, est de créer un moyen de production de 44MW d’ici la fin de l’année 2023. Trois pistes sont évoquées dans le décret. Un projet de centrale biomasse (production d’électricité grâce à la vapeur d’eau dégagée par la combustion de matières végétales ou animales), tout d’abord, de 12MW, dont l’étude de faisabilité devait être rendue au 1er semestre 2016. Le projet, appelé ALBIOMA, aurait l’avantage de répondre aux exigences du mixt énergétique en s’orientant vers les énergies renouvelables.
Le second mode de production concerne le photovoltaïque, pour 11MW, mais reste étroitement dépendant d’une réglementation des surcoûts, bloquée à la commission de Régularisation de l’Energie.
Troisième voie, le projet de centrale fonctionnant au fuel léger ou au gaz de pétrole liquéfié. Si les 2 premiers projets tardent à voir le jour, elle produirait à elle seule les 44MW nécessaires. Ce qui serait malgré tout une régression dans l’évolution vers les énergies renouvelables.
Réactivité
C’est la société SIGMA (Somagaz) qui porte le projet à Mayotte. Il s’agit d’une centrale électrique combinée gaz et vapeur. Ses avantages sont vantés dans la programmation pluriannuelle et tournent autour d’une réactivité optimale « moins d’une minute » en cas de rupture d’approvisionnement du photovoltaïque (variation d’ensoleillement), en comparaison des moteurs diesel de la centrale thermique. Ce qui permettrait d’accroitre la production de photovoltaïque en minimisant le risque d’une rupture d’approvisionnement.
Un projet qui aurait un double avantage pour la société. Lui permettre d’accroitre ses capacités de stockage qu’elle envisage depuis des années, « de plus de 2.000 tonnes », un investissement de 57 millions d’euros. Et en passant à une autre échelle, de réduire dans un deuxième temps le prix de vente de son produit, en vrac et conditionné, c’est à dire de sa bouteille de gaz, prix qui avait été encadré par la loi Lurel. Les volumes vendus à Mayotte sont en effet 6 fois moins élevés qu’à la Réunion.
Autre évolution du secteur de l’énergie, l’arrêté anticipe l’arrivée des véhicules électriques et hybrides, avec un positionnement de 10 bornes de recharge alimentés à partir d’électricité renouvelable en 2018.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte