Le gouvernement d’Edouard Philippe sera connu, normalement, à 16 heures (heure de Mayotte) ce mercredi. D’abord annoncé pour ce mardi, Emmanuel Macron et son Premier ministre ont souhaité donner du temps à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique d’enquêter sur la situation fiscale des membres de la future équipe et déceler d’éventuels conflits d’intérêts qui pourraient ternir l’image jusqu’à présent très maîtrisée des premiers instants du nouveau quinquennat.
De la Martinique à La Réunion, de la Guyane à Mayotte, les questions vont bon train pour savoir si un ministère des Outre-mer de plein exercice sera maintenu.
Emmanuel Macron a en effet promis un gouvernement «resserré» de 15 ministres, probablement appuyés tout de même par des secrétaires d’Etat. Cela laisse-t-il une place pour l’Outre-mer? Emmanuel Macron n’a cessé de souffler le chaud et le froid. A La Réunion, il avait indiqué qu’il ne fallait pas considérer les Outre-mer comme «une case»… «Il n’y a pas un ministère pour l’Occitanie ou le Gers», expliquait-il. Pourtant, son projet indique bien que le ministre des Outre-mer sera un «ministre compétent», autrement dit de plein exercice. Ce qui n’empêchera pas chaque ministère de disposer d’un «référent Outre-mer», qui suivra la déclinaison de tous les textes dans les territoires ultramarins.
Un ministère de plein droit avait été rétabli par François Hollande en 2012 alors qu’il ne s’agissait que d’un secrétariat d’Etat ou d’un ministre délégué sous Nicolas Sarkozy.
Politique ou société civile
Dans ces conditions, qui pour succéder à Ericka Bareigts, 3e ministre de François Hollande après Victorin Lurel et George Pau-Langevin, en poste depuis le 30 août 2016? A La Réunion, la question importe car cette ministre était la 1ère réunionnaise a un tel poste gouvernemental.
Des noms circulent parmi lesquels beaucoup de métropolitains. Car on a tendance à l’oublier, mais un ultramarin installé Rue Oudinot, c’est quelque chose d’assez récent. Ericka Bareigts est ainsi la 4e ultramarine a occuper consécutivement ce poste depuis Marie-Luce Penchard qui a laissé un souvenir particulier lors de la crise sociale de 2011 à Mayotte.
Dominique Bussereau, Philippe Folliot, Arnaud Leroy… Tous ces noms ne vous disent peut-être rien. Ce sont ceux des politiques qui sont les plus cités. Mais on parle aussi beaucoup de personnalités issues de la société civile, Emmanuel Macron ayant promis un gouvernement composé d’un tiers de gauche, un tiers de droite et un tiers de société civile.
Une figure du sport?
Le nom de figures emblématiques du sport comme Lilian Thuram, qui a affiché des engagements citoyens et politiques constants revient là encore régulièrement. Laura Flessel, double championne olympique qui a apporté son soutien au candidat Macron, pourrait aussi en être. Elle représente l’avantage d’être impliquée dans la candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2024, un dossier dans lequel Emmanuel Macron s’est immédiatement immergé. Il a reçu à l’Elysée les membres du Comité international olympique de passage à Paris, dès le lendemain de son investiture.
Une chose est sûre : le Réunionnais Thierry Robert qui s’y voyait déjà restera dans son île et même sans investiture de La République en Marche aux législatives. Il l’a perdu après la polémique sur sa condamnation judiciaire.
Au-delà des supputations, il ne reste qu’une seule chose sur laquelle s’appuyer : le programme d’Emmanuel Macron.
Pour savoir ce qui attend les Outre-mer, il suffisait de l’éplucher. Les annonces sont nombreuses, rendez-vous dans 5 ans pour savoir si les réalisations le seront aussi:
Tout de suite
Des états généraux de l’outre-mer
Ils sont annoncés «dès le début du quinquennat» pour établir «une feuille de route sur douze mois adaptée à chaque territoire». Car il s’agit de «sortir d’une double logique : celle de condescendance avec les outre-mer et celle qui consiste à penser que les défis sont les mêmes partout». Ils seront organisés dans chaque département et territoire.
200.000 billets d’avion aidés
C’est le chiffre annoncé pour l’ensemble de l’outre-mer au nom de la continuité territoriale version Macron. Mais 200.000, c’est peu, surtout sur l’ensemble du quinquennat. Actuellement, Ladom finance 100.000 billets par an et la Région Réunion, à elle seule, plus de 90.000. À moins que les billets-Macron s’ajoutent déjà aux existants.
1 milliard d’euros
Sur cinq ans, cette somme est destinée au financement des investissements collectifs de l’outre-mer. Ils font partie d’un plan d’investissement plus global qui doit aussi permettre de financer des actions «dans la formation, le tourisme, la santé et la transition énergétique».
Une conférence sur la biodiversité
Parce que «l’outre-mer français recèle d’immenses richesses naturelles», comme chacun sait. Emmanuel Macron a annoncé que cette conférence internationale se tiendrait à La Réunion.
Un Erasmus régional
Mais seulement pour la Caraïbe. L’université de La Réunion, elle, pourra devenir un «pôle universitaire régional» pour rayonner dans la région… de quoi inquiéter Mayotte.
Étendre le pacte pour l’emploi guadeloupéen
Le président aimerait le décliner dans d’autres territoires ultramarins. Son principe : une exonération totale de charges pour toute embauche de jeunes de moins de 30 ans, à concurrence de 2,5 Smic, ainsi qu’un guichet unique pour l’emploi. Une mesure qui aurait créé 700 emplois, selon la préfecture de Guadeloupe. On se demande pourquoi ça n’existe que là-bas, effectivement.
Créer des « emplois francs » dans les quartiers
Le principe est de verser 15.000 euros sur trois ans à toute entreprise qui embauche un salarié issu des quartiers dits politique de la ville.
Ne pas toucher les institutions
Le président n’est «pas favorable à ce qu’on ouvre des débats constitutionnels spécifiques à l’outre-mer». Mais il y aura tout de même un débat sur «l’amendement Virapoullé parce qu’il ne permet pas les adaptations réglementaires».
Ca sera plus long
Prendre en compte nos fameuses « spécificités »
«Nous ne pouvons pas appliquer des règles uniformes qui s’appliquent de la même manière dans les régions ultra-périphériques comme dans l’Hexagone», soutenait le candidat Macron. Outre le fait que des différenciations existent déjà (TVA, exonérations de charges, défiscalisation, surrémunération…), chaque dispositif de discrimination positive doit être regardé à la loupe constitutionnelle et européenne.
Davantage de sécurité
«Nous renforcerons les moyens des services de sécurité et de justice et déploierons, comme dans le reste du territoire, la police de sécurité du quotidien», dixit le programme. Il s’est aussi engagé à «favoriser le recrutement au sein des départements d’outre-mer en créant des écoles de formation de gendarmes et d’adjoints de sécurité», notamment à La Réunion. Il compte enfin «créer des classes d’excellence pour accompagner les jeunes Ultra-marins» vers les métiers de la sécurité et de la justice.
Améliorer les délais de paiement
«Pour ne pas fragiliser les petites entreprises sensibles à la commande publique». Les collectivités sont les plus lentes à sortir le chéquier. Et ça ne date pas d’hier !
Renégocier les accords européens
Afin, justement, «que les normes prennent mieux en compte les spécificités» de l’outre-mer, «par exemple dans l’agriculture ou la politique de la pêche».
Un jour, peut-être
L’émancipation
C’est la ligne directrice de la politique outre-mer du nouveau président, qui considère que les territoires «demandent à pouvoir développer les activités économiques à vivre de leur travail», en parlant d’«émancipation au sein de la République».
Rattraper les retards
«Dans l’assainissement, la desserte en eau potable, la gestion des déchets, lutter contre la congestion dans l’accès aux grandes villes ou contre l’éloignement, attirer les investisseurs et dynamiser le tourisme». A Mayotte, on connaît l’ampleur de ce programme.
« Une liberté de choix »
«Pouvoir accéder à un emploi stable, choisir d’étudier ou de travailler dans l’Hexagone ou dans un pays de l’environnement régional, pouvoir faire le choix de revenir». La vie ultramarine idéale, en quelque sorte.
Les prix et les marges
L’engagement est récurrent à chaque élection : d’abord demander à l’Autorité de la concurrence d’évaluer l’efficacité des mesures prises par le passé (observatoire des prix, bouclier quali-té/prix…). Et «sur la base de cette évaluation, nous engagerons des actions pour lutter contre les prix trop hauts et les marges indues». L’important, c’est d’en être persuadé…
Ces mesures nationales qui pourraient nous impacter
Les classes à douze élèves
C’est le projet annoncé pour les CP et CE1 classés en zones prioritaires. En théorie, ces dédoublements devraient intervenir dès la rentrée d’août. Mais avec quels effectifs et dans quels locaux ? Les parents de Ouangani en doutent eux aussi.
La baisse des charges
Pas d’incidence, les taux étant distincts à Mayotte. En revanche, la baisse à 25 % de l’impôt sur les sociétés produira sans doute des effets.
La suppression du RSI
Très attendue par les petites entreprises, cette mesure vise à les adosser, désormais, au régime général de protection sociale.
120.000 postes de fonctionnaires en moins
Mais Emmanuel Macron a fait savoir que les outre-mer seraient épargnés. Au contraire, ils devraient être mieux pourvus en enseignants et effectifs de sécurité.
L’exonération de la taxe d’habitation
80 % des foyers français devraient en bénéficier, donc à Mayotte aussi… Ce qui soulagera du monde.
RR
www.lejournaldemayotte.com
avec le JIR.