Une journée d’animation scientifique* pour connaître et préserver les ruminants de Mayotte. Les zébus, chèvres et moutons sont présents depuis longtemps dans notre département. Ces races locales sont adaptées à notre environnement, que ce soit au climat ou aux parasites mais elles sont menacés par le métissage avec les races européennes. En effet, non seulement leurs effectifs sont mal connus mais ces races ne sont pas officiellement reconnues en France ce qui représente un frein pour la mise en place de leur gestion.
La CoopADEM, la CAPAM (Chambre d’Agriculture de la Pêche et de l’Aquaculture) et le CIRAD (Centre International pour la Recherche Agronomique et le Développement) travaillent en partenariat depuis 2015 sur un projet financé par l’Europe, pour étudier ces races locales de zébus, moutons et chèvres, d’un point de vue génétique et démographique.
«Nous réalisons dans un premier temps une collecte de données dites ‘phénotypiques’, c’est-à-dire relatives à l’apparence des animaux: leur couleur, leur taille, la forme de leurs cornes… que nous corrélons ensuite à des données dites ‘génotypiques’. Suite à un prélèvement sanguin et des analyses génétiques réalisées en Métropole, nous obtenons une carte du génome de ces individus», explique Mélissa Ouvrard de la CoopADEM.
Le risque de la disparition
Ces éléments permettent aux chercheurs d’établir une sorte de carte d’identité des races locales de Mayotte, en termes de standard (à quoi les individus ressemblent et quelles sont leurs caractéristiques morphologiques spécifiques), d’origine (d’où viennent ces races, depuis quand elles sont présentes à Mayotte) mais aussi de performances (si elles possèdent des gènes spécifiques d’adaptation à leur environnement, de production de lait, de viande…).
«Ce travail nous permet aussi de réestimer les effectifs réels de ces populations sur le territoire Mahorais, le but final de ce projet étant de faire reconnaître les races locales de Mayotte par le Ministère de l’Agriculture afin d’organiser leur promotion et leur conservation», précise Mélissa Ouvrard.
Aujourd’hui, nos races locales sont en effet délaissées au profit d’autres races importées plus productives. Elles sont aussi mises en danger par l’insémination artificielle avec ces mêmes races métropolitaines, pour produire des animaux issus de croisement. Les races locales de Mayotte risquent donc de se faire «absorber» par d’autres races, et à long terme, de disparaître.
Le travail sur les zébus est terminé
«A ce jour, nous avons terminé la collecte de données des zébus, et nous avons déjà quelques résultats intéressants. Nous espérons déposer le dossier de reconnaissance de la race auprès de la Commission Nationale d’Amélioration Génétique à la fin du mois de juillet», explique Mélissa Ouvrard.
Et après les zébus, les chercheurs vont commencer ce travail de collecte de données sur les espèces de moutons à partir du mois de septembre. L’étude des chèvres de Mayotte débutera l’an prochain.
Des chercheurs de métropole vont venir appuyer le travail des équipes de Mayotte et c’est à cette occasion qu’est organisée cette journée d’animation scientifique pour présenter les travaux réalisés, les premiers résultats et permettre aux chercheurs partenaires de partager leur expérience en termes de gestion de la diversité génétique et conservation des races locales.
Sensibiliser le public
Cette journée est importante car, en dehors des personnes impliquées dans la filière élevage, rares sont ceux à avoir conscience que les populations locales d’animaux d’élevage de Mayotte sont menacées. L’objectif est donc aussi de sensibiliser la population mahoraise à ce sujet, avant que les chercheurs travaillent directement avec les éleveurs sur un plan de gestion et de conservation de ces races.
Rendez-vous donc à Coconi le 1er juin, de 8h à 15h, pour une journée continue, liée à la période de ramadan.
RR
www.lejournaldemayotte.com
*Voici le programme de la journée :
08h00-08h10 Introduction ; l’action WP2 de DEFI-ANIMAL avec Emmanuel Tillard (CIRAD-SELMET Réunion) Denis Nole (CoopADEM, Mayotte),
08h10-08h40 Diversité des ressources génétiques animales domestiques, en liaison avec les systèmes de production avec Michel Naves (INRA-URZ, Guadeloupe),
08h40-09h10 Approche zootechnique de l’adaptation à l’environnement tropical avec Michel Naves (INRA-URZ, Guadeloupe)
09h10-10h10 Caractérisation génétique des races bovines locales et étude génétique de l’adaptation des bovins à leur environnement (présentation de l’approche et exemples) avec Laurence Flori (INRA-GABI/CIRAD-SELMET, Montpellier),
10h10-10h30 Présentation de la base de données WIDDE, dédiée à l’exploration de la diversité génétique à partir de données de génotypage à haute densité Laurence Flori (INRA-GABI/CIRAD-SELMET, Montpellier),
10h30-11h30 Caractérisation de la consanguinité et de son origine à partir de données de génotypage haut-débit avec Mathieu Gautier (INRA-CBGP, Montpellier)
11h45-12h30 Caractérisation phénotypique des zébus mahorais : premiers résultats du projet DEFI-ANIMAL (RITA Mayotte) avec Melissa Ouvrard (CoopADEM, Mayotte), Solène Raoul (CoopADEM, Mayotte), Jessica Magnier (CIRAD-SELMET, Mayotte),
12h30-13h15 Caractérisation génétique des zébus mahorais : premiers résultats du projet DEFI-ANIMAL (RITA Mayotte) avec Laurence Flori (INRA-GABI/CIRAD-SELMET, Montpellier), Mathieu Gautier (INRA-CBGP, Montpellier), Michel Naves (INRA-URZ, Guadeloupe),
13h15-14h00 Gestion et valorisation des races locales : exemple des races créoles avec Michel Naves (INRA-URZ, Guadeloupe),
14h00-14h15 Conclusion et perspectives en termes de valorisation de la race zébu à Mayotte.