Le mouvement actuel mené par une partie des salariés CGT Ma de la Colas, a deux visages : avec un défilé quotidien bon enfant sur la route principale des salariés grévistes de la CGT Ma, alors qu’à l’intérieur des locaux, on parle de tensions, de confrontation et d’agressions envers les salariés non grévistes. Ils ont fermé le portail à plusieurs reprises, confirmé par des PV d’huissier, ce qui a incité la société Colas à déposer plainte pour atteinte à deux libertés fondamentales : la liberté du travail et le droit à la libre circulation.
Le procès s’était tenu ce lundi, mais avait été annulé, faute d’assignation correctement rédigée. Les salariés ont bénéficié chacun d’un dédommagement de 250 euros pour frais de justice.
La salle d’audience accueillait les parties ce mardi à 14h, la société Colas, absente, étant représentée par Me Monsuf Saïd Ibrahim, et les quatre salariés incriminés, présents, par Me Ahmed Idriss. Devant le tribunal, les grévistes assuraient un soutien moral, encadrés par les policiers.
Le barrage des Danaïdes
L’avocat de l’entreprise rappelle que si les dirigeants reconnaissent le droit de grève, il ne fait aucun doute pour eux qu’il y a entrave, en témoignent plusieurs procès verbaux dressés par Me Alain Merle, huissier de justice. « Ils retracent des salariés bloquant le passage d’un camion benne, notamment en glissant devant ses roues un extincteur, et en forçant le chauffeur à descendre », rapporte l’avocat. Il demande au juge de reconnaître que le droit de grève a dégénéré en abus, « il doit s’exercer dans un cadre légal, les salariés assignés doivent donc libérer l’accès. »
Dans un des procès verbaux, l’huissier rapporte que les membres de la direction ont dégagé l’entrée le 18 mai, mais que les grévistes, dont l’un des quatre accusés, remettent les éléments de barrage au fur et à mesure qu’ils sont retirés.
Ces PV, Me Idriss va les balayer d’un revers de main : « A aucun moment l’huissier a identifié les personnes qu’il incrimine, il ne leur a pas demandé leur identité, mais est passé par une tierce personne pour les impliquer. » Parmi les 4 accusés, 2 sont délégués syndicaux et un, membre du comité d’entreprise.
L’avocat plaide l’abus de procédure
Il minimise le blocage, « une simple pierre, facile à retirer », et évoque les menaces contre les salariés non grévistes comme étant des « on-dit », « ‘on a dit’ à l’huissier que les autres salariés subissaient une pression sociale et avaient peur des représailles, mais rien n’est vérifié. L’avocat de la Colas prétend que sur 530 salariés, seuls 28 sont véritablement grévistes, ils sont donc 502 à craindre des pressions ! »
Il souligne qu’aucune photo ne met en cause les quatre accusés, c’est la parole de l’huissier qui prévaut, « justement ces PV n’ont pas été discutés devant le tribunal, il n’y a pas eu de contradiction contrairement à ce que demande la Cour de Cassation. »
L’avocat précise également qu’un des cadres de l’entreprise, énervé, aurait pris un véhicule pour foncer en direction des salariés.
Me Idriss demande de débouter la Colas, et de condamner la plaignante à 800 euros pour abus de procédure, ainsi qu’à 1.000 euros pour frais de justice.
D’autres plaintes en cours ou à venir
Nous avons appris qu’une plainte a été déposée le 18 mai dernier par un des salariés non grévistes pour agression par un coup de caillou sur le flanc droit, contre trois autres salariés de la société.
Salim Nahouda, secrétaire général de la CGT Ma, a assisté à l’audience. Il nous confie avoir effectué des démarches de son côté, « j’ai interpellé le délégué central de la Colas, ainsi qu’à La Réunion », et évoque un possible dépôt de plainte contre un cadre de la société, « celui qui a foncé sur les grévistes au volant du camion. C’est un comportement assassin. » Une plainte que pourrait déposer la CGT. Le syndicat prend en charge les frais de justice des grévistes, « et un fond de solidarité national a été débloqué au sein du syndicat pour leur mouvement. »
Le procès se tient donc dans un climat très tendu, aucune négociation n’étant en cours. Le délibéré sera rendu ce mercredi 24 mai à midi.
A.P-L.
Le Journal de Mayotte