Les boites d’œufs sont aussi difficile à dénicher actuellement que les informations au sein des filières avicoles. Beaucoup de non dits, et pas mal de règlements de compte, pour des enjeux qui font un éternel insatisfait, le consommateur. Qui aurait parfois envie de casser des œufs…
Deux sites de production se partagent le marché à Mayotte : l’acteur « historique » SCAM, devenu la SCEA MAJWAYI, et la COMAVI, (COopérative MAhoraise d’AVIculture) rassemblant 6 ou 7 producteurs locaux.
La COMAVI assure actuellement une production stable de 350.000 œufs par mois, mais insuffisant pour satisfaire la demande à lui tout seul, surtout que, nous le verrons, il y a des fuites.
MAJWAYI assure le plus gros de la distribution en œufs de l’île, et connaît actuellement des difficultés. A entendre certains acteurs de la filière, elles seraient financières, lui posant un problème d’approvisionnement en nourriture provende pour les poules. Ce que dément Pascal Caizergues, directeur adjoint de la SCEA MAJWAYI: « Nous mettons en place de nouveaux lots de poules, ce qui implique de pratiquer un vide sanitaire dans les bâtiments. » Mais la production actuelle est malgré tout fortement ralentie. Il l’assure, cela ne va pas durer : « Ce sont 18.000 poules qui vont entrer en ponte d’ici 3 semaines. » Ce qui doit doubler sa production.
Quant à l’élevage d’Abdallah, victime de la salmonellose l’année dernière, l’heure est à la reconstitution du poulailler.
Une coopérative où tout le monde ne coopère pas
Du côté de la COMAVI, si la production est au rendez-vous, les troupes sont indisciplinées : « Sur les 350.000 œufs produits par nos adhérents chaque mois, la coopérative n’en perçoit que 250.000 », déplore Ali Ambody, son président. Ils préfèrent en effet vendre au bord de la route, évitant les frais du Centre de conditionnement, qui estampille les œufs, « mais cela leur permet aussi d’avoir de la trésorerie pour acheter la provende pour nourrir les poules. »
Il appelle la DAAF à faire le ménage, « les services vétérinaires devraient arrêter de délivrer des autorisations à ceux qui vendent des œufs non conditionnés », mais il reconnaît qu’il doit de son côté envisager de se séparer de ceux qui ne jouent pas le jeu, « on y travaille. » Le problème du prix de la provende demeure, et il est ancien à Mayotte où le monopole a toujours existé.
Domaine anciennement réservé de la SOMADEV de Jean Ruffet lorsque celle-ci appartenait à la SCAM, la nourriture est désormais la chasse gardée d’Ekwali, toujours à Jean Ruffet, depuis la revente de la société.
« L’aliment le plus cher du monde ! »
« Nous avons l’aliment pour les poules le plus cher du monde ! », lance Ali Ambody. Sur la même longueur d’onde que Pascal Caizergues pour le coup, pour dénoncer le prix de vente : « La provende est à 280 euros la tonne en métropole, 380 euros à La Réunion, et 600 euros la tonne à Mayotte ! L’Etat verse une aide financière de 160 euros, allégeant la facture pour nous à 440 euros la tonne. » Et impossible d’installer une concurrence selon eux, « l’Etat a supprimé l’aide à l’investissement de produits finis, pour la muer en aide à la fabrication ».
Avec l’arrivée du Ramadan, et la conception des petits gâteaux qui vont orner les tablées familiales en soirée, la pénurie va s’accentuer. Les producteurs avaient anticipé, mais c’était sans compter les bouleversements dans le fret aérien, comme l’explique Ali Ambody : « La compagnie Corsair est la seule à accepter le transport de nos œufs et poussins, mais elle l’a suspendu le 18 janvier, pour reprendre en mars après la réorganisation de ses lignes. Nous avions prévu un doublement du cheptel de poussins, mais ils vont arriver à 5 mois, l’âge de ponte, en août, donc tardivement. Je ne sais pas comment nous allons écouler la production. »
Sur ou sous capacité de production ?
Même cause aérienne et mêmes effets chez MAJWAYI, « en août ça va, il y a les grands mariages, mais après, nous risquons la surproduction », lance Pascal Caizergues. Qui s’interroge sur la légitimité du projet AVIMA de Jean Ruffet, « cela va amener 50.000 à 70.000 poules pondeuses de plus sur le marché ». Un projet qui satisfait la DAAF par contre, qui alerte régulièrement sur les crises de pénurie, mais qui inquiète les deux producteurs installés.
En cas de pénurie, la grande distribution de l’île se tourne habituellement vers l’importation, mais entre le constat de rupture sur place et la décision d’importer, le délai peut être long pour une denrée aussi périssable que les œufs. « Et nous dépendons des flux maritimes, avec beaucoup d’aléas concernant les compagnies maritimes et le port de Longoni », nous explique le responsable du Dépôt frais de Sodifram, « nous attendons nos commandes », indique-t-il, sans plus de précision sur la date d’arrivée de la précieuse cargaison..
Conclusion, les œufs vont arriver, il va en pleuvoir comme à Pâques même, mais ce sera au mois de juin !
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte