A peine l’énoncé des faits : tentative d’évasion alors qu’il était hospitalisé, M.O., détenu au Centre pénitentiaire du Port à La Réunion, veut faire une déclaration. Ce 2 janvier 2017, il entend des voix, « des voix qui me dérangeaient dans ma tête, qui me disaient de tout casser. A l’hôpital, je voyais des ennemis partout, je voulais m’échapper, j’ai demandé d’aller faire pipi, et, quand j’ai essayé de m’enfuir, le policier qui m’accompagnait m’a bloqué, je lui ai demandé de me laisser partir, c’est pour ça qu’on s’est bagarré. »
Dans la lutte au corps à corps qui se termine au sol, le policier est blessé, mais parvient à lui remettre ses menottes. Il lui sera délivré une incapacité temporaire de travail de 15 jours. Les médecins, alertés, n’arriveront qu’à la fin de l’incident. Dans la lutte, le policier indique que M.O. a cherché à se saisir de son arme de service.
« A l’hôpital, on m’empoissonnait »
« A l’hôpital, on me faisait du mal, on m’empoissonnait », se justifie le détenu pour expliquer sa fuite. Car les faits sont graves : non seulement il est en récidive d’une première tentative d’évasion le 9 avril 2012, mais il est déjà passé par les Assises. Il a été condamné à 10 ans de prison pour tentative de viol et viol sur mineur de 15 ans.
Lors de l’audience, tous les éléments ne sont pas fournis, on ne sait pas s’il est soigné, ni si une expertise psychiatrique a été pratiquée, alors que, comme le fait remarquer le procureur Camille Miansoni, « lors de la condamnation criminelle, une expertise psychiatrique a forcément été demandée. » La question centrale est de déterminer, sans expertise, quelle est sa responsabilité du point de vue psychiatrique. Le procureur va démontrer qu’il est accessible à la sanction pénale, en se basant sur des cas comparables.
« La plupart des gens qui entendent des voix, agissent immédiatement en fonction de ce que leur dictent les voix. Lui, élabore un stratagème. Il invoque un besoin d’aller aux toilettes, pour qu’on le désentrave des menottes, puis il essaie de convaincre le policier de le laisser partir. S’il a de toute évidence des problèmes médicaux, on peut considérer que l’évasion est caractérisée, d’autant que son statut pénal fait apparaître un état de récidive et des faits graves. »
Il fera remarquer que le prévenu n’est actuellement pas détenu dans un établissement spécialisé à La Réunion. « Je pense qu’il connaît la logique judiciaire, et qu’en dépit de ses problèmes, il sait ce qu’il faut mettre en avant au cours d’une audience. »
Le tribunal était sur la même longueur d’onde puisqu’il condamnera M.O. aux peines demandées dans le réquisitoire : 6 mois de prison pour les faits de violence sur une personne dépositaire de l’autorité publique, et 3 mois pour la tentative d’évasion en récidive.
A.P-L.
Le Journal de Mayotte