A Mayotte, ce ne sont pas les dauphins qui s’appellent Flipper mais un petit robot qui se promène sur les fonds marins. Le Parc naturel marin (PNM) vient de l’accueillir en cette fin juin, en même temps que deux scientifiques de l’Université de Montpellier et du CNRS, Sébastien Dutertre et Vincent Creuze. Ce «robot-aspirateur», développé par le laboratoire d’informatique, de robotique et microélectronique de Montpellier (LIRMM) était ainsi utilisé en situation réelle pour la 1ère fois.
Durant une semaine complète, Flipper-l’aspirateur a exploré plusieurs sites du lagon de Mayotte. Parmi les avantages des machines, il y a le fait qu’elles peuvent plonger durant de longues heures, de jour comme de nuit, sans contrainte de durée ni de profondeur, contrairement aux humains. Et ça tombe bien car Flipper est descendu entre 5 et 100 mètres de profondeur pour mener à bien sa toute première mission.
Son objectif était de prélever des cônes, des coquillages très présents dans les eaux de Mayotte, pour permettre l’étude de leurs venins. Les toxines générées par ces venins peuvent en effet s’avérer dangereuses pour l’homme en grande quantité, mais certaines, une fois isolées, sont perçues comme prometteuses pour la médecine, les chercheurs leur imaginant des vertus encore méconnues.
Des espoirs de traitements
Le Parc marin cite ainsi l’exemple du venin du «cône magicien» (espèce Conus magus) qui est utilisé pour la fabrication du «Ziconotide», un antalgique plus puissant que la morphine qui s’avère très utile dans le traitement de certaines douleurs chroniques.
«Les prélèvements effectués à Mayotte ont permis d’isoler plusieurs espèces de cônes dont les toxines des venins pourraient être utilisées dans les traitements de maladies neurodégénératives ou encore de myopathies», précise encore le PNM. Les premiers résultats issus de l’étude de ces venins devraient être connus rapidement, d’ici la fin de l’année.
Un robot qui préserve la nature
«Ces vertus thérapeutiques soulignent également l’importance de mieux préserver les cônes présents à Mayotte en limitant la destruction de leurs habitats et le prélèvement sauvage», précise le Parc qui saisit l’occasion pour rappeler ses messages de protection de nos richesses sous-marines.
Car Flipper, qui n’a décidément que des qualités, est aussi un robot très développement durable. Connecté au bateau à la surface, il est piloté par les scientifiques restés à bord qui suivent le moindre de ses agissements et les détails de son environnement sous-marin, grâce aux images envoyées en temps réel par sa caméra haute-définition. Résultat, les prélèvement effectués par Flipper se font sans destruction des habitats, assure le Parc, «grâce à un ciblage minutieux des spécimens étudiés et à une assistance informatique au pilotage» pour qu’il soit le plus précis possible.
Mayotte, un pôle d’excellence
«Ces images des profondeurs, rares et difficiles à capter dans d’autres contextes, serviront à l’amélioration des connaissances sur la biodiversité sous-marine», souligne en outre le Parc marin chargé de l’aspect logistique de l’opération. En effet, la venue de ces scientifiques et de leur engin fait partie de ses missions du PNM qui vise à «faire de Mayotte un pôle d’excellence en matière de connaissance et de suivi des écosystèmes marins tropicaux et de la mangrove».
La création d’un laboratoire «mutualisé» du Parc et du Centre universitaire de Mayotte s’inscrit également dans cet objectif de faciliter le travail des scientifiques, en leur permettant d’y réaliser des analyses ou d’y préparer des échantillons.
La Calédonie en 2018
Selon le Parc naturel Marin, cette «mission test» s’est avérée «très enrichissante et encourageante», pour les deux chercheurs dépêchés chez nous, deux scientifiques dont l’intitulé des professions mériterait un article à elle seule: Sébastien Dutertre, le porteur du projet, est chercheur au sein de l’Institut des Biomolécules Max Mousseron (IBMM, unité mixte de recherche du CNRS, de l’Université de Montpellier et de l’ENSCM) et Vincent Creuze est chercheur au Laboratoire d’Informatique, de Robotique et de Microélectronique de Montpellier (LIRMM, unité mixte de recherche du CNRS et de l’Université de Montpellier).
Ces deux grosses têtes ont réussi à démontrer l’efficacité et la précision de Flipper pour l’exploration des profondeurs et les prélèvements biologiques. C’est donc avec bien plus d’assurance qu’ils aborderont leur prochaine mission de prélèvement de cônes. Après Mayotte, ce sera le tour de la Nouvelle-Calédonie de les accueillir début 2018.
RR
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*Cette première mission a été intégralement financée (hors logistique déployée par le Parc) par le
CNRS, dans le cadre de l’appel à projets «X Life». Elle fait partie du projet «Reef Explorer» mené en partenariat avec le Parc naturel marin de Mayotte, le Laboratoire d’Informatique, de Robotique et de Microélectronique de Montpellier (CNRS et Université de Montpellier), l’Institut des Biomolécules Max Mousseron (Université de Montpellier, CNRS et Ecole Nationale Supérieure de Chimie de Montpellier) et le Muséum d’histoire naturelle de Paris.