Comme sa grande sœur de Cavani, la petite épicerie propose aux habitants de troquer des déchets, en l’occurrence des canettes, contre des denrées alimentaires. Contre 100 cannettes, votre sac de 5kg de riz parfumé ne vous coutera que 4€ contre 6,25€ chez Somaco.
Un concept « donnant-donnant » dont Laurent Beaumont a eu l’idée il y a un an et demi. Depuis, ce sont des montagnes de déchets qu’il a récupéré, « 250.000 canettes collectées en 15 mois », constate-t-il.
La petite épicerie qui fait face au Sodicash, achalande peu à peu son stock. Et son personnel aussi puisque « Yes we can nette » a désormais deux salariés, une coordinatrice et une animatrice, ainsi que 6 volontaires du service civique. Elle ne dégage pas de marge, au contraire : « Nous vendons à perte les marchandises que nous achetons aux trois grossistes Distrimax, Somaco et Sodicash. Notre développement ne serait pas possible sans le financement de l’Etat, à travers le Commissariat Général à l’Egalité des Territoires dans le cadre de la politique de la Ville et de l’Agence de service civique, avec des volontaires intégralement pris en charge, et par l’accompagnement de l’intercommunalité de Petite Terre. » L’entreprise Mayco leur a donné un gros coup de pouce pour l’installation.
Coopérative d’artisans
Pour les volontaires du service civique il s’agit d’une première expérience professionnelle, « ils seront ensuite des ambassadeurs en éco-geste ».
Les canettes étaient jusqu’à présent évacuées vers l’Ecopôle de Longoni, un partenariat qui n’est pas pérennisé avec Eco-emballage pour l’instant.
Dans la salle lumineuse, fraîchement peinte en blanc, des mobiles virevoltent, tandis que des jeunes tressent des bracelets et des porte-clefs autour des capsules de canette. Une expérimentation est en cours : « Nous prenons en dépôt vente des objets d’artisanat qu’ils conçoivent, pour monter ensuite une coopérative où les habitants pourront venir troquer leurs réalisations contre des denrées alimentaires. »
Un jeune nous vante la solidité d’un sac à dos « éléphant blanc », cousus à partir et avec les fibres d’un sac de riz, « c’est le jeune Nawoufal qui les conçoit. Il a de l’or dans les mains », nous explique Marie, l’animatrice. Sur la même gamme, sont déclinées visières et sac banane. Le sacs à dos est en vente, « très certainement à 15 euros car cela lui demande 2 jours de travail. »
L’artisanat circulaire gagne les écoles
Pour Marjorie, bénévole, l’opération est en droite ligne de l’esprit « Yes we can nette », « nous voulons former les jeunes à trouver des débouchés dans le recyclage et l’économie circulaire. » Des ateliers se sont déjà tenus dans les écoles primaires et les collèges : « Nous avons confectionné des mobiles à partir de canettes, et nous allons faire du recyclage papier, doublé d’information sur les règles d’hygiène. »
Un esprit qui colle aux actions que mène depuis quelques années Adrien Michon, chef de projets de la communauté des communes de Petite Terre, qui appuie financièrement le projet : « Il s’agit de proposer à la population de mieux vivre en véhiculant des valeurs citoyennes ». En écho, Bacar, le responsable du Conseil Citoyens de Petite Terre est prêt à « sensibiliser les habitants pour avoir un quartier propre. »
Après un championnat de foot avec récompense pour ramassage de canettes en mai, l’association fourmille d’idées, « et d’autres collectivités sont désireuses de nous accueillir ! », glisse Laurent Beaumont.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte