Antoine Duhaut, un « fonceur », quitte la tête d’Apprentis d’Auteuil Mayotte

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Derrière Antoine Duhaut, un portrait du Père Brottier, un des fondateurs de la Fondation Apprentis d'Auteuil
Derrière Antoine Duhaut, un portrait du Père Brottier, un des fondateurs d’Apprentis d’Auteuil

Quand Antoine Duhaut est arrivé à sa tête en 2013, on ne savait pas trop par quel bout prendre le nom de l’association. Pour faire simple et ancrer la structure au sein de la fondation, « Auteuil Océan Indien Agepac Mayotte », et devenue Apprentis d’Auteuil Mayotte.

Car petit à petit, la Fondation d’Auteuil a fait son nid à Mayotte. Passant de l’historique Centre de formation continue (CFC) Agepac créée en 1998, au Lycée d’enseignement adapté (LEA), le seul établissement privé sous contrat d’Etat sur l’île, en 2010, puis au centre Msayidié d’accueil de jeunes déscolarisés en 2012, avant d’ouvrir un internat pour jeunes filles en octobre 2014.

Le nombre de jeunes pris en charge est, à la mesure du territoire, croissant, avec des objectifs différents pour chaque structure. « Les 650 à 1.000 jeunes inscrits à l’Agepac suivent des formations professionnelles d’aide à la personne, d’agents de restauration, de serveur, de cuisiniers, ainsi que des formations plus courtes moins qualifiantes et davantage tournées vers l’insertion », explique Antoine Duhaut qui assure un suivi de 3 à 6 mois des jeunes ensuite comme l’exigent les clauses des marchés.

Le charme discret des fonds européens

Antoine Duhaut entouré par ses enfants, Baptiste Cohen et son conseil administration, lors du discours de Mmadi Youssouf
Antoine Duhaut entouré de ses enfants, de Baptiste Cohen et de son conseil administration, lors du discours de Mmadi Youssouf

L’objectif de Msayidié est différent, « nous devons réussir à les réinsérer scolairement. Sur 311 l’année dernière, 99 ont pu intégrer l’Education nationale, les autres sont accompagnés, certains ne donnent plus de nouvelles. »

Le budget global des 3 structures confondues est passé de 1,2 million d’euros en 2012 à 3,5 millions d’euros cette année, « sans compter la masse salariale prise en charge par l’Education nationale. » Les principaux financeurs sont l’Etat, à travers la Dieccte, la Direction de la Jeunesse et des Sports, le Pôle emploi, le Ministre de l’Education Nationale, et le conseil départemental sur la formation et les communes.

« Nous bénéficions aussi de la générosité de donateurs privés de métropole, conséquente, puisqu’elle se monte à un tiers du budget, ce qui permet notamment de financer l’internat. »

« Antoine, c’est le seul qui se réjouit à l’idée de monter un dossier de Fonds social européen ! C’est un fonceur », s’était exclamé à son pot de départ, Baptiste Cohen, le président de l’antenne Réunion-Océan Indien d’Apprentis d’Auteuil. Et en effet, ça consomme ! En cumulant le FSE et l’IEJ, c’est un million d’euros qui a été engagé en 2016.

Son pire souvenir deviendra son meilleur

Le LEA Espérance zone Nel, à Kawéni
Le LEA Espérance zone Nel, à Kawéni

« Grâce à l’Initiative pour l’Emploi des Jeunes, nous avons monté le dispositif Narisomé de remobilisation des jeunes autour de leurs compétences de base et de la définition de leur projet, et nous avons un projet d’insertion par l’activité économique ». Il aura pour cadre le restaurant d’application « L’eau vive » situé dans la rue du conseil départemental, qui ouvrira en soirée « autour de conférences, débats sur la mise en valeur du patrimoine culturel. »

Un second établissement scolaire est en gestation, non plus tourné vers les élèves en difficultés cognitives comme au LEA, mais en rupture scolaire.

Lorsqu’on demande à Antoine Duhaut quel restera son meilleur souvenir de Mayotte, il réfléchit, « ce sont les relations qu’on peut tisser ici avec les autres, une proximité, une chaleur qu’il n’y a pas ailleurs. Les liens sont sincères. Son pire souvenir ? « C’est mon arrivée », dit-il avec le même sourire que Kad Merad qui pleure deux fois, à son arrivée et à son départ du Nord dans « Bienvenue chez les Ch’tis », « ma famille était loin, et je me demandais par quel bout prendre l’association ! »

« Plus qu’un directeur… »

Antoine Duhaut (costume noir, au centre), rappelait les valeurs de la Républiques
Antoine Duhaut lors de la journée du Dialogue interreligieux

La grève qu’il a essuyée un an après son arrivée a été le moyen d’avancer selon lui, et c’est ce qui le réjouit le plus : « Nous avons mis en place des instances représentatives du personnel et travaillé sur l’évolution du code du travail local à des accords propres à l’entreprise, la création d’un référentiel métier, de l’éducation, de la formation, etc. »

Apprentis d’Auteuil est une Fondation catholique implantée dans un département musulman, « nous portons dans nos structures les valeurs de solidarité et de dignité de la personne humaine. » Un moment fort fut le Dialogue interreligieux, le mois dernier, « il faudra le réexpérimenter en travaillant sur les valeurs communes et les différences. Mais nos élèves ont fait preuve de lucidité en se démarquant de certains discours, notamment sur la polygamie. »

Il a dit officiellement adieu à son personnel la semaine dernière, « la réussite est conditionnée à un vrai travail d’équipe que je salue ici, ainsi que l’appui du conseil d’administration ». Dans un court discours Mmadi Youssouf, responsable de la vie scolaire, et salarié d’Apprentis d’Auteuil depuis 20 ans, a ému l’assistance, dont faisait partie le préfet, le procureur, la vice-recteur et le sénateur Thani Mohamed Soilihi : « Antoine était plus qu’un directeur, c’est un frère ».

C’est donc en pleurant une 2ème fois qu’il quitte Mayotte où il se sera investi sans compter, mais avec un sourire pour la Martinique où il prendra le poste de directeur général du patronage Saint-Louis, et la délégation générale de la zone Caraïbes-Guyane pour la Fondation d’Auteuil. C’est Régine Le Men qui lui succèdera en août.

Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte

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