Rassemblés au cinéma Alpa Joe, les acteurs du tourisme ont pu apporter leurs contributions ce jeudi. Les apports se poursuivront ensuite, dont tiendra compte le document final produit par l’Office national des Forêts (ONF), retenu par le Département pour ce gros toilettage des sentiers de randonnée.
Pour l’instant, ce sont onze étapes qui sont proposées aux randonneurs, pour un parcours de 160km au total, sans compter les 5 sentiers thématiques périphériques, de 50kms.
Le premier tronçon existant, Mamoudzou-Koungou, « oubliait » certains points forts, comme « la Maison du gouverneur ou la forêt de Majimbini », ou les hébergements de Kangani ou Trévani. « Il faut revoir le tracé pour terminer sans doute à Kangani, plus riche en logements», commente Laurent Mercy, Directeur de l’antenne locale de l’ONF, qui a mené l’étude.
La problématique sera la même pour toutes les étapes : capter le plus possibles de points attrayants pour les randonneurs, et laisser aussi des marges aux communes et aux intercommunalités qui récupèrent la compétence du tourisme, pour organiser leurs sentiers découverte. Avec liaisons ou pas vers le GR.
Séquence « Aventure » dans la boue de la mangrove
Il faut aussi prendre en compte les nombreux terrains agricoles traversés ce qui n’a jusqu’à présent pas posé de problème, « mais nos jeunes agriculteurs sont averti de leurs droits et ne vont peut-être pas être conciliants », faisait remarquer quelqu’un dans le public. Abondé par Bernard Labrosse, adjoint de Laurent Mercy, qui restituait le travail : « 36km sont des propriétés privées, nous n’avons pas la maitrise foncière ».
Le tour de l’île en rando révèle des trésors naturels insoupçonnés. L’étape Koungou-Dzoumogné, « avec 2 montées dans la forêt », Mtsamboro-Mtsangamouji « un paysage extraordinaire pour une ballade où il faut intégrer les Marches d’Acoua qui en sont exclues pour l’instant », Mtsangamouji-Chiconi, « à proximité de l’ancienne sucrerie, de son embarcadère, de la mosquée de Tingoni et la cascade de Soulou », Chiconi-Chirongui, « avec une fin d’étape ‘aventure’, difficile physiquement, où il faudra proposer une alternative ».
La richesse du sentier Chirongui-Dapani, c’est le Mont Choungui, « il passe par les padzas, replantées, et la Via Ferrata de Boueni », la continuité Dapani-Saziley permet un voyage dans le milieu naturel, « avec plusieurs sentiers thématiques Baobab et Tortues que l’on va limiter à 2 », Mtsamoudou-Bandrélé « dont le seul inconvénient est la courte portion de route », Bandrélé-Tsararano, « une étape de haute montagne de Mayotte puisqu’elle passe par le sommet du Mont Benara. Mais faute de gîte à l’arrivée, nous pourrions la continuer jusqu’au mont Combani, doté de deux gîtes ».
Un toilettage à 1 million d’euros
Une suggestion qui risque d’être épuisante pour les marcheurs, « arrivés à Tsararano, on a eu notre dose ! », relevait le randonneur et vice-président du CDTM Harouna Attoumani.
Ensuite, on continue à remonter vers le nord, avec la portion Tsararano-Vahibé, « qui passe par le mont Combani et son îlot de tranquillité, puis Vahibé-Mamoudzou et enfin, Petite Terre, autour de la vasière des Badamiers.
Pour relooker ces sentiers de grande randonnée, il faudra trouver 1 million d’euros, destinés à la signalétique et au balisage (168.000 euros), à la sécurisation (457.000 euros) et à la mise en valeur (441.000 euros).
Randonner, peu de monde y résiste à Mayotte, mais la crainte des agressions freine beaucoup d’initiatives. La gendarmerie nationale hésite d’ailleurs entre la satisfaction de voir se concrétiser lentement cet « axe de développement touristique de Mayotte », et « l’inquiétude » en matière de sécurisation des parcours.
Les points chauds à sécuriser
Sortant son calepin, le représentant de la gendarmerie rapportait qu’en 2017, 10 agressions s’étaient produites sur les sentiers de randonnée, « à la cascade de Soulou, au mont Choungui, aux Marches d’Acoua, au lac Karihani et à Saziley », ainsi que « 13 agressions sur les plages ». Les personnes qui les perpétuent sont « très mobiles, parfois en possession d’armes blanches, qui commencent par vous croiser une première fois, pour ensuite vous agresser. Certains rétrocèdent les cartes SIM à ceux qui le demandent. Plus les groupes sont importants, moins ils sont attaqués, il y a donc des consignes à faire passer aux randonneurs ».
Impossible de garantir la sécurité donc sur l’ensemble d’un sentier de randonnées, « il faut absolument dans votre projet, un volet sécuritaire. »
Une première constatation, les demandes sont nombreuses, tel le président de la Fédération Mahoraises des Entreprises environnementales : « Certains sites sont survolés, Boueni est oubliée ». « On ne peut pas passer partout », répondra Laurent Mercy, qui invitent les collectivités à se saisir d’opportunités de développement. Ce qu’a compris Chirongui, dont la conseillère municipale chargée de la politique de la ville annonce l’étude en cours sur un « Musée de la mangrove ».
« Demain nous partons en reconnaissance sur le sentier rouge de l’étape Mamoudzou-Koungou pour évaluer les coûts de modification de son tracé », concluait Bernard Labrosse.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte