Pour faire évoluer le Département dont il a pris la tête il y a 3 ans, Soibahadine Ibrahim Ramadani a décidé d’utiliser la voie législative. Quitte à ne pas être dans l’action, ni la prise de décisions urgente. Il suit le train de sénateur qu’il fut, pour tenter d’ancrer une action qui va donner un cadre institutionnel au territoire qui n’était jusqu’alors que partiel.
Il aura en tout cas prouvé qu’un colloque organisé sur le toilettage institutionnel en janvier dernier, avec de haute contribution d’invités parisiens, n’était pas un verbiage de plus, mais aura été suivi de propositions qu’il présentait ce mercredi, pour la célébration des 40 ans de l’Assemblée. Aux côté de Laurent Tesoka.
Ce dernier, Maître de conférence habilité à diriger des Recherches et Directeur de l’Institut de Droit d’Outre-mer, avait donné la couleur en introduction du Colloque : « Quelque soit la future dénomination de Mayotte, l’île restera département, sera toujours soumise à l’article 73 de la Constitution, et au droit commun français ». Il ne s’agissait pas de proposer un nouveau statut, mais de donner à Mayotte les moyens d’exercer sa double compétence, de Département et de Région.
Dérogation au droit d’asile
Les comptes rendus des débats et des apports ont permis de proposer un texte de 50 pages dont Laurent Resoka présentait un résumé à un hémicycle au trois-quarts vide, « mais ce sont surtout les parlementaires qui sont concernés maintenant que le travail est fait », indiquait le président. Il rappelait que l’élément déclencheur avait été la critique de la mission conjointe de la Cour des Comptes et de sa Chambre régionale qui concluait à « une départementalisation mal préparée et mal pilotée ».
Sous son impulsion, le conseil départemental avait pris une motion sur le toilettage institutionnel, complété par une résolution. Les éléments majeurs des tables rondes du Colloque se retrouvent dans ces propositions de texte législatives soumises aux parlementaires mahorais et au gouvernement. Si ce dernier les reprend à son compte, « il s’agira alors de projets de textes ».
Le premier axe porte sur la révision de la Constitution. « Celle du 28 mars 2003 inscrivant Mayotte dans la Constitution n’était pas suffisante », déclare Soibahadine Ramadani. Le député Mansour Kamardine, qui y avait participé, devra donc s’y recoller ! Il s’agit notamment de proposer d’y inscrire une dérogation au droit d’asile, à l’accès de la nationalité pour les enfants non nés de parents français, à l’emploi d’étrangers dans les secteurs publics et privés, etc.
Le port et les routes à l’Etat
Des sujets lourds, « mais nous savons que c’est possible en demandant une autorisation de principe de déroger aux règles générales. Un travail similaire est entrepris en Guyane », explique Laurent Tesoka, qui avance un calendrier favorable, « le président de la République a annoncé une révision constitutionnelle à laquelle nous pourrions nous raccrocher, et les Assises de l’Outre-mer sont prévues en septembre ».
Il s’agit aussi de préciser les compétences de la Région, du Département et de l’Etat. Il est demandé à ce dernier de conserver celles des routes, des constructions de collèges et de lycées, des transports maritimes, du port de Longoni, « qui devra devenir un Etablissement public d’Etat nommé Grand port Maritime, par le biais d’une réécriture du code des Transports. »
Trois assemblées force de proposition
Le Département demande d’avantage de temps pour examiner les lois qui concernent Mayotte, « le délai de consultation devra passer à 3 mois, et un mois en cas d’urgence. »
L’assemblée devra rester unique, comme en Guyane, « mais avec 51 élus, selon un scrutin de liste, avec répartition de 4 sièges par secteur, reprenant le découpage géographique des cantons ».
Il est demandé la mise en place d’un Congrès des élus, parlementaires et maires, qui soient force de proposition après concertation, d’un Comité consultatif, composé d’avocats et de magistrats pour une étude de l’application des normes à Mayotte, et d’un Comité territorial de promotion de la Santé pour adapter au mieux les réformes dans ce domaine.
Des propositions qui dépendront de la ferveur avec laquelle les parlementaires sauront les défendre. Un challenge de taille que devront relever les deux députés fraîchement élus, dont l’un n’est pas un perdreau de l’année dans ce domaine.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte