Nous poursuivons le tour des budgets des communes de Mayotte, suivant le travail méticuleux de la Chambre régionale des comptes. Aujourd’hui direction Tsingoni où le préfet continue à avoir la main sur un budget en déficit. La commune vient de recevoir un avis de la Chambre régionale des comptes (CRC) qui épingle les mesures de redressement de ses finances, jugées «insuffisantes», aussi bien pour le budget 2016 que pour l’exercice 2017. Résultat, la préfecture garde le contrôle pour «régler le budget primitif 2017» de la commune mais aussi transmettre à la CRC le budget primitif pour 2018.
Commençons par 2016. La Chambre estime que les excédents présentés (+1.352.830€) «ne sont pas sincères». Pour elle, par exemple, la section de fonctionnement n’est pas du tout en positif de 680.568€ comme le présente la commune, mais en négatif de 862.094€. La raison? Tsingoni n’a pas budgété sa participation aux «organismes de regroupement» (communauté de commune et syndicats intercommunaux). Elle doit ainsi plus de 388.000 euros au service incendie, 223.000€ au SMIAM, 41.000€ au SIEAM et 888.266€ à l’interco’… Soit un joli total de 1.542.662€.
Mais elle a tout de même utilisé cet argent, «préférant redéployer les crédits réservés à cette fin pour financer des mesures nouvelles au bénéfice des agents communaux». Une grande générosité qui va coûter cher.
Les tours de passe-passe et les «insincérités» (selon les termes de la CRC) sont tels que le budget 2016 est en déficit, malgré l’intervention du préfet. «Non seulement la commune n’a pas respecté son engagement de résorber son déficit sur l’exercice 2016, mais elle a tenté d’en dissimuler le montant lors de la présentation du compte administratif», remarque la CRC.
Masse salariale «insoutenable»
Et ça continue sur 2017 : pour la Chambre, Tsingoni «n’a pas davantage réussi à résorber son déficit sur l’exercice 2017», lequel affiche un déficit réel de 2.443.935€. Il faut dire qu’il est plombé par la fameuse somme de 1.542.662€ que la commune doit aux syndicats intercommunaux et à l’interco’ pour 2016 et par diverses erreurs.
Mais un autre poste de dépense pose problème: le salaire des agents. Le «niveau de la masse salariale» est qualifié d’«insoutenable» pour la commune. Entre 2015 et 2017, les effectifs ont progressé de 22% et les charges de personnels de 35% pour atteindre 7.345.535€. C’est le nombre d’agents non-titulaires qui a le plus fortement progressé (+45%) ainsi que le nombre d’emplois aidés (+52%). Résultat, les effectifs sont de 331 agents contre 270 en 2015… en dépit des transferts de compétences à l’interco’ et des engagements de la collectivité à maîtriser ses recrutements.
Très lourds impôts locaux
Après le constat, place aux mesures. La Chambre régionale des comptes propose des pistes qui permettraient de résorber le déficit ou de le réduire fortement. Mais les marges de manœuvres ne sont pas énormes.
Les économies sont en effet «limitées», la commune continuant à subventionner les associations ou encore à octroyer une enveloppe de 40.000 euros «pour récompenser les lauréats du baccalauréat et du BEP». La CRC propose de nombreuses réductions comme par exemple de ramener l’enveloppe des bacheliers à 15.000€.
Mais toutes les mesures préconisées ne permettent pas de combler le trou. Et faute de pouvoir demander des licenciements, la CRC demande de taper au portefeuille des habitants de la commune.
Des impôts à locaux à 35%
Voici donc le chapitre des impôts. Face au déficit en pleine dérive, la préfecture avait choisi une mesure radicale: augmenter le taux de la taxe foncière de 15% à… 35%. Il fallait bien faire rentrer des sous ! Mais depuis, la commune est revenue sur cette décision ramenant à nouveau le taux à 15%. Le manque à gagner est de 702.400 euros. La CRC propose de repasser à 35%. Il est probablement trop élevé pour les contribuables… Mais entre impôts raisonnables et emploi public raisonnable, c’est bel et bien la mairie qui a choisi.
Au final, le déficit 2017 serait encore de 1.440.259€… qui lestera encore les budgets suivants. Et la CRC prévient : venir à bout du déficit ne pourra intervenir «sans la maîtrise des charges notamment de personnel». Les mesures difficiles sont à venir.
Tsingoni est dans la tourmente alors que dans le même temps, la gestion de la commune de Sada est saluée par la Chambre régionale des comptes. «Les mesures de redressement envisagées par la commune de Sada pour résorber son déficit budgétaire son suffisantes», estime la CRC. En conséquence, le préfet de Mayotte ne mettra pas son nez dans le budget primitif pour 2017 qui ne sera pas modifié hors les demandes d’annulation de quelques postes de dépenses.
P.M.
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