Ces derniers mois ont été marqués à Mayotte par la crise de l’eau. Les tours d’eau imposés aux huit communes du sud ont marqué les esprits et entraîné une prise de conscience inédite. En surfant sur cette vague, la Fédération Mahoraise des Associations Environnementale (FMAE) a décidé de s’allier au SIEAM pour ré-impulser une dynamique de sensibilisation.
Un engagement annuel a été signé entre les deux institutions, statuant ainsi sur la nécessité d’agir en collaboration. Sur l’ensemble de la période de vacances scolaires, un groupe de jeunes étudiants engagé par le SIEAM effectuera de multiples actions de sensibilisation dans différents villages de Mayotte. Et ce mercredi, une première opération a été lancée. La courte «randonnée» autour de la cascade de Miréréni était une occasion de faire le point avec ces jeunes sur les enjeux, risques et implications des mauvaises pratiques quotidiennes, surtout aux abords des points d’eau.
Une cascade « fantôme »
« Vous voyez comme le courant est faible ? Comme la couleur de l’eau est trouble ? Vous voyez tous ces déchets plastiques à la surface de l’eau ? Cette belle cascade n’est plus que l’ombre d’elle-même. Elle est devenue fantôme». Le ton employé par le premier vice-président du SIEAM était alarmiste. Devant les jeunes recrutés pour sensibiliser à la question de la ressource en eau, Ali Madi, le président de la FMAE s’est également montré attristé de redécouvrir l’état actuel de la cascade.
Tout autour de la zone, des «micro-villages de tôles» se sont construits. Certains habitants ont pris la néfaste habitude d’effectuer une grande partie des tâches ménagères directement en prélevant l’eau de la cascade. Après utilisation, ils déversent leurs eaux usées à la source du site. La cascade est devenue «un dépotoir public» pour Ali Madi. Il déplore que «les habitants autour de la rivière jettent leurs déchets dans la cascade. On voit partout des sachets plastiques, des couches… Mais il s’agit de notre environnement, ce n’est pas une décharge».
L’eau de la cascade est en effet bien trouble. Non seulement de nombreux déchets y sont jetés, mais beaucoup de produits chimiques y sont déversés, notamment les produits lessives, savons… utilisés par certains ménages qui nettoient leurs linges directement dans la cascade. Pourtant, ces pratiques sont strictement proscrites.
Un cas non isolé
À Mayotte, «la plupart des associations créées luttent contre l’insalubrité des logements et de l’environnement», atteste le président de la FMAE. Si autant d’acteurs ont fait de ce combat une priorité, c’est parce que l’insalubrité est un fléau qui touche quasiment tous les villages de l’île et particulièrement les lieux près des plans d’eau. «Cette cascade n’est pas une exception. On sait très bien que la situation est encore pire ailleurs, à Dzoumogné, c’est une vraie catastrophe», explique Sitti, une étudiante du groupe.
Cette action qui vise à dénoncer ces situations n’est pas non plus isolée. Depuis longtemps maintenant, le réseau associatif de Mayotte s’active pour sensibiliser les populations. La Fédération Mahoraise des Associations Environnementale a été créée en 2003 et multiplie les actions. Depuis 2008, elle se rend annuellement sur le site de cette cascade pour dénoncer les effets dramatiques de l’absence d’une prise de conscience de l’enjeu. En 2010, la FMAE avait encore pointé du doigt le problème lors de la semaine européenne du patrimoine environnemental. Mais pour l’instant, la détérioration continue.
Des solutions par la coopération
Comment venir à bout de ce fléau ? Pour Ali Madi, aucune action ponctuelle et isolée ne pourra avoir l’effet escompté. Il faut que 6 acteurs se mobilisent ensemble et agissent d’une même voix car pour l’heure, la crise ne se résorbe pas.
«On ne peut pas résoudre le problème si les autres acteurs font la sourde oreille. Six acteurs doivent se mobiliser ensemble : la population, les maires, les intercommunalités, le SIEAM, le Conseil départemental et les services de contrôle de l’Etat puis enfin les associations. Si un des leviers n’est pas levé, on n’avancera pas. Pour notre part, en tant qu’associatif, on peut toucher la population à travers nos actions de sensibilisations. Mais ca ne suffira pas. Par exemple, il faut impérativement que les services de l’Etat soient en mesure de sanctionner les populations qui déversent leurs eaux usées dans les cascades. Car c’est l’impunité qui leur fait croire que ce n’est pas grave». L’appel à la coopération est donc lancé.
À leur échelle, la FMAE et le SIEAM s’activent avec motivation. La convention signée pour une année a vocation à être reconduite à plus long terme, «car ce n’est pas en un ou deux ans que l’on peut impulser une réel changement des mentalités», conclut Yousrat Daoud, la chargée de communication du SIEAM.
Ludivine Ali
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