C’est un courrier de 3 pages qui pose concrètement, dans le détail et avec une certaine élégance, les problématiques liées à la réduction des emplois aidés à Mayotte. Hanima Ibrahima (Roukia Lahadji), la maire de Chirongui, écrit au Premier ministre pour qu’il prenne la mesure des conséquences, dans un jeune département «qui peine à se structurer», d’un désengagement «brutal» de l’Etat.
Dans sa lettre tout d’abord, la maire prend soin de rappeler que l’emploi public, qui pèse tant sur les finances collectivités mahoraises, est bien moins important chez nous que partout ailleurs. Hanima Ibrahima rappelle que pour les communes de taille comparable (8.000 habitants), le ratio de l’emploi public est de 9,8 agents pour 1000 habitants à Mayotte, contre 29,8 pour 1000 habitants à La Réunion et 18,9 en métropole. «Si on compare Chirongui à la moyenne des communes d’Outre-mer, ici, un agent réalise le travail de 2,7 agents», relève-t-elle.
Ainsi, la maire explique que Chirongui dispose de 150 emplois Contrats uniques d’insertion (CUI), «soit environ 18 emplois aidés pour 1000 habitants», alors que «le taux d’encadrement imposé pour les activités périscolaires est de 1 agent pour 18 enfants en élémentaire et un agent pour 14 enfants en maternelle».
Et elle entre dans le concret : «Le désengagement de l’Etat sur le financement de ces contrats a impacté fortement nos budgets. Concernant l’animation périscolaire, nous accusons une augmentation des budgets de près de 80% en un an en raison de la baisse du taux de remboursement de ces contrats : de 37.039 euros (en 2016), nous atteignons aujourd’hui 163.741 euros en raison de la baisse de prise en charge de l’Etat», écrit-elle.
L’inconnu des emplois d’avenir
Le constat est d’autant plus amer que dans sa commune, «les rythmes scolaires ont permis justement de professionnaliser nos agents, de les former pour proposer aux enfants des parcours pédagogiques de qualité et des actions innovantes en complémentarité du temps scolaire», précise-t-elle.
Outre les CUI, le diagnostic est le même pour les emplois d’avenir. «Ces contrats constituaient une passerelle intéressante sur trois ans, tant pour les agents que nous nous engagions à inscrire dans un parcours de formation mais également pour que ma collectivité puisse se préparer à la pérennisation du poste. Or, nous apprenons qu’un coup d’arrêt a été décidé pour le 2nd trimestre, que les contrats en cours ne seraient pas renouvelés et qu’à l’heure actuelle, l’inconnu réside quant à la forme que prendront les prochains contrats».
Des projets en difficulté
Pour Chirongui, Hanima Ibrahima précise que ces décisions mettent en difficultés plusieurs projets : la création d’un transport à la demande pour les personnes âgées et à mobilité réduite, un projet de médiation sociale à destination des jeunes ou encore un projet de lutte contre l’illettrisme via le numérique dans le cadre du Contrat territoire lecture.
La maire en appelle à l’expérience du Premier ministre en tant qu’ancien maire de la ville du Havre: «Fin connaisseur des contraintes de nos institutions, je sollicite votre plus grande attention vis-à-vis de la situation des collectivités de Mayotte car plus qu’ailleurs nous avons besoin de stabilité notamment dans les politiques d’accompagnement vers l’emploi. Sans cette pérennité, nous ne parviendrons pas à nous structurer et à créer le terreau favorable à l’émancipation d’une société créatrice d’emploi endogène, inscrite dans une compétitivité régionale, qui puisse faire rayonner dans le Canal du Mozambique l’ambition de la République française.»
Cette supplique intervient après la manifestation des 24 maires de La Réunion et d’un report de la rentrée scolaire dans quelques-unes des communes de l’île voisine. Le courrier est également rendu public le jour où le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer est à La Réunion pour tenter de ramener un peu de sérénité pour la rentrée scolaire qui commence là-bas ce jeudi. La semaine dernière, les 24 maires de La réunion avaient manifesté devant la préfecture de Saint-Denis. A quelques jours de la rentrée dans notre département et avant celle de métropole, le financement des emplois aidés promet de faire encore beaucoup parler.
PM
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