Ce lundi matin, c’est Assemblée plénière au Conseil départemental (CD). Comme à chaque fois, le JDM vous invite chaudement à y assister, pour prendre part à la vie démocratique de Mayotte. Cette session promet d’être longue car son ordre du jour est particulièrement chargé, avec 45 textes soumis à vote. Et parmi ceux-ci, le Conseil économique, social et environnemental (CESEM) a relevé quelques anormalités pour lesquelles il a émis un avis.
Le premier concerne des créations de postes… de quoi immédiatement tendre l’oreille. Car le suremploi du Département est déjà une réalité connue de tous. Les effectifs du CD sont d’environ 3.000 agents. Pour comparaison, «le département de Guyane qui présente des caractéristiques proches de celles de Mayotte compte 1.628 agents», note le CESEM. Et depuis qu’il a fusionné avec la Région Guyane, la nouvelle collectivité unique compte 1.959 agents… un tiers de moins que le CD de Mayotte.
Jusqu’à présent, la majorité actuelle affichait une volonté réelle de maîtriser sa masse salariale. Nous avons eu la réorganisation des services départementaux, puis la mise en place d’un nouveau régime indemnitaire. Bientôt, nous allions enfin connaître le nombre total exact d’agents employés par le département. Car aussi incroyable que cela puisse paraître, ce chiffre est encore actuellement «objet à spéculation tant le nombre varie d’un rapport à l’autre», note le CESEM.
Très chers emplois
Les estimations font tout de même apparaître un taux très élevé de près de 64% d’agents de catégorie C. D’où l’importance de poursuivre la politique engagée d’une généralisation de la formation. D’où l’importance aussi de recruter des cadres… mais peut-être pas à n’importe quel coût.
Ce lundi, le département doit en effet voter pour la création de 127 nouveaux postes avec une incidence financière de près de 27,5 millions d’euros. Cela représente une augmentation de 23% de la masse salariale !… Cela semble tellement énorme qu’on en vient à douter des chiffres annoncés : tenez-vous bien, cela «équivaut à un salaire mensuel de 10.000€ en moyenne par salarié!» s’étonnent les sages du CESEM.
Le débat du jour va être intéressant à suivre pour comprendre la réalité de ces postes, car le montant semble «clairement excessif dans le contexte d’une part de redéploiement interne des effectifs et d’autre part de volonté politique affichée de maîtrise de la masse salariale»… c’est le moins que l’on puisse dire.
Des bouteilles moins chères, mais pour qui?
Le CESEM émet également un avis sur l’exonération d’octroi de mer pour les bouteilles d’eau, une mesure destinée à lutter contre une éventuelle pénurie et qui est directement la conséquence de la crise du début d’année. Mais n’est-ce pas une fausse bonne idée ? «Cette mesure ne permettrait-elle pas plutôt aux distributeurs/importateurs de conforter leurs marges?» s’interroge le CESEM. En effet, la mesure ne garantit pas la présence de bouteilles dans les rayons ni l’application d’un prix raisonnable. «La crise de l’eau a créé une pénurie d’eau dans les commerces, une rareté du produit qui a favorisé sa spéculation. Cette pénurie est loin d’être justifiée que par des considérations liées au coût d’importation», rappelle le CESEM.
Cet octroi de mer à 0% pourrait même avoir des effets pervers, en mettant en péril la production locale, «et donc fragiliser l’industrie et l’emploi local», expliquent les sages. «Le CESEM appelle le Conseil départemental à reporter cette mesure». Lui, propose plutôt la création d’une structure dédiée à l’importation d’eau minérale en bouteille, pour permettre une grande disponibilité du produit qui favoriserait la concurrence et donc une baisse des prix.
En revanche, le Césem continue d’encourager «les autres mesures annoncées» comme la limitation des surcoûts liés à l’importation de matériels de pompage, de canalisations, d’usines mobiles de traitement de l’eau… et d’autres mesures d’aides aux ménages pour collecter et traiter l’eau de pluies.
Les communes servies sur un plateau
Enfin dernier avis pertinent des sages mahorais, celui concernant la prise en charge par le département des travaux de mise aux normes du plateau polyvalent de Chiconi. Ils en ont de la chance les Chiconiens ! Le Département s’apprête à financer leur plateau sportif, alors qu’il s’agit d’un équipement municipal… et que les plateaux départementaux ne sont eux-mêmes pas tous aux normes fédérales ou correctement entretenus ! Un comble.
D’ailleurs, le CESEM semble sceptique : «Il préconise un soutien sous forme de subvention qui aurait le mérite de ne pas se substituer aux communes, collectivités décentralisées, dans l’exercice de leurs compétences», tranche-t-il. Car si ce choix devait se multiplier (pourquoi Chiconi et pas les autres communes?), «compte tenu de la qualité générale des équipements sportifs de Mayotte, cela mettrait en grande difficulté les finances du département». Mais rassurons-nous, un certain nombre d’agents très bien payés veilleront sûrement sur les comptes.
Pierre Mansencal
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