Cela fait maintenant 10 jours que les salariés du groupe pétrolier Total ont impulsé un conflit social qui n’en finit plus. Pour l’heure, les élus ont brillé par leur absence de réaction et semblaient passifs, malgré le désarroi de la population. La situation commence pourtant à devenir délicate.
Samedi dernier, suite à la réunion quotidienne de crise tenue par les services de la préfecture, les grévistes bloquant le dépôt Total de Longoni ont été délogé par plusieurs pelotons de gendarmes. Mais les syndicalistes FO avaient annoncé la couleur, ils ne baisseraient pas les bras pour autant.
Depuis, ils se sont réunis et ont déterminé la nature de leurs prochaines actions. Ils sont ainsi passés à l’acte dés ce lundi matin en empêchant l’ouverture de la station de Passamainty, bien que celle-ci devait initialement être ouverte aux usagers. Alors que les cadres du Conseil Départemental s’étaient enfin décidés à se saisir de la question, à quelques kilomètres de là, les forces de l’ordre n’ont pas réussi à éviter les débordements avec les grévistes.
Interpeller Paris pour en finir avec le monopole
La principale actualité à retenir de la séance plénière du Conseil Départemental est la volonté affichée de sortir de ce monopole qui semble pour beaucoup de plus en plus inexplicable aujourd’hui. Ainsi, le président Soibahadine Ibrahim Ramadani a montré sa ferme intention de faire bouger les lignes.
«Il faut mettre fin à cette situation où on a l’impression que rien ne bouge. Notre idée est de saisir le gouvernement pour qu’une mission urgente d’évaluation soit rapidement mise en place. Cela permettrait de créer les conditions permettant une mise en concurrence du secteur. Les études seront pour cette année et la mise en concurrence peut être attendue pour le début de l’année prochaine», déclarait-il au sortir de la séance plénière.
Un amateurisme déconcertant
Problème : pour que l’action du Conseil Départemental aboutisse, il faudrait posséder le contrat de cession signé entre le Conseil Départemental et Total afin d’analyser les closes du monopole et être capable de les modifier. Mais aucune institution ne semble être en possession de ce document. «À ce jour, personne ne peut mettre la main sur ce contrat signé en 2003. Il faut disposer de ce document pour voir quelles sont les modalités à faire évoluer», expliquait le président du Conseil départemental.
Amarmie Abdoul-Wassion, la conseillère départementale de Mamoudzou 1, à l’initiative de la démarche du Conseil Départemental, ne comprend pas cet amateurisme qu’elle dénonce sans détour: «Je suis allée voir le DGS pour lui dire qu’il fallait faire quelque chose pour trouver un moyen afin de pallier à cette situation. Le DGS m’a dit directement qu’on n’avait aucun élément, la convention qui nous lie à Total serait perdue. Comment est-ce possible?».
Le constat est le même à la préfecture: «Pour toutes les délibérations signées par le département, il en a une copie transférée à la préfecture. Pourtant ils disent qu’ils n’ont rien. Je ne sais pas s’il ne l’ont réellement pas mais là, il est apparent que cette convention n’est ni au département ni à la préfecture. Elle est perdue. Si on ne peut pas se fier à la préfecture pour conserver les documents, où va Mayotte?», s’indignait-elle.
Un conflit qui s’intensifie
Pendant que le Conseil Départemental planchait sur comment sortir de l’avantage monopolistique de Total, le conflit battait son plein. Ce lundi 21 août, plusieurs débordements ont eu lieu à la station de Passamainty. Vers 7h45, peu avant l’ouverture des pompes, les syndicalistes FO ont décidé de bloquer l’accès aux usagers. Les forces de l’ordre très rapidement sur les lieux ont tenté d’empêcher le blocage.
Durant la confrontation, un salarié gréviste de Total s’est saisi d’un extincteur et l’a enclenché vers le sol « seulement pour écarter les gendarmes mais aucunement dans une intention violente » affirme-t-il. Pourtant, la réponse des gendarmes ne s’est pas faite attendre. L’un d’entre eux a de suite frappé le gréviste à coup de matraque. Blessé au front, il a été transporté au CHM et en est ressorti avec 4 points de suture.
Le conflit Total cristallise un peu plus chaque jour et pour le moment, aucune piste de sortie de crise se dégage. Les stations fonctionnent toujours à bas régime. Si le département enclenche les procédures pour sortir du monopole sur le moyen terme, les usagers souffrent toujours sur le court terme.
Ludivine Ali
www.lejournaldemayotte.com