L’Insee, institut national des statistiques et études économiques, joue gros pour ce recensement. Afin de gagner en crédibilité auprès de la population, l’organisme d’Etat a effectué un gros travail auprès des collectivités locales, ainsi que de communication, en amont du recensement qui commence ce mardi. « Il est important de bien informer la population sur la façon dont se déroule le recensement, explique Aurélien Daubaire, le nouveau directeur régional de l’Insee Réunion-Mayotte. C’est une grosse opération pour l’Insee, mais aussi pour les collectivités, pour calibrer tout un tas de moyens et d’équipements publics. »
En effet, le travail en interne a débuté il y a deux ans déjà « et depuis un an avec les collectivités, ce recensement est placé sous l ‘égide d’un renforcement de notre collaboration avec les communes » poursuit Jamel Mekkaoui, responsable du bureau de l’Insee à Mayotte. Un des premiers enjeux de ce travail en amont était de tourner la page des « difficultés de crédibilité des résultats de 2012 ». Lors de ce dernier décompte de la population réelle de Mayotte, un total de 220 000 habitants était annoncé. Un chiffre fréquemment démenti par les acteurs locaux qui « parlent du double » déplore le responsable. « On a fait le constat que le résultat de 2012 est très critiqué. On a des éléments qui attestent sur ce résultat était bon » argumente-t-il. Selon lui, il n’est toutefois « plus temps de défendre le chiffre de 2012 qui n’est pas cru, on veut un chiffre juste, et partagé ».
Comment ?
Pour parvenir à un résultat cohérent de la population réelle de Mayotte, l’Insee a signé en 2016 une convention avec les communes. Les 530 agents recenseurs et les 53 contrôleurs recrutés à Mayotte ces derniers mois doivent répondre à des critères précis : habiter la commune où ils vont travailler, avoir le baccalauréat et maîtriser les langues qui y sont parlées, shimaoré ou kibushi. Ces agents sont chargés de faire du porte-à-porte pour remplir les formulaires (300 000 ont été imprimés) et mettre les habitants en confiance. « Notre règle est de rassurer » affirme le responsable local.
Les informations recueillies (voir ci-dessous) ne serviront en effet qu’à des fins statistiques, et ne pourront en aucun cas être utilisées par la police ou les services fiscaux.
Afin de leur faciliter la tâche, une cartographie du bâti a été élaborée, à l’aide de cartes IGN, mais aussi pour la commune de Mamoudzou, d’un drone chargé de de compter les habitations à démarcher.
La question la plus sensible de ce recensement concerne le décompte des personnes en situation irrégulières. Pour Jamel Mekkaoui, cela ne pose aucun souci. « A Mayotte, les personnes en situation irrégulière ne sont pas aussi cachées qu’on le dit, la moitié des personnes sans papier se déclarent spontanément, car ils ont plutôt l’espoir d’une régularisation » poursuit le patron du bureau mahorais.
Les responsables locaux, régionaux et nationaux de l’Insee sont présents à Mayotte pour le lancement du recensement.
« Un geste civique et obligatoire »
Le recensement de la population a pour but de définir les besoins de la population. « C’est un geste civique et obligatoire » insiste Mireille Florémont, responsable en métropole du recensement de Mayotte, et qui a fait le déplacement pour l’occasion. Tous les habitants de l’île sont recensés « quel que soit leur âge, leur sexe, leur origine ou nationalité ».
Ressource en eau, équipements sportifs, dotation globale de fonctionnement des communes et même le nombre de conseillers municipaux à élire dépendent des résultats du recensement, il est donc, insiste l’Insee, dans l’intérêt de chacun de répondre aux agents recenseurs.
Les chiffres sont aussi mis à disposition des entreprises, afin de décider de l’opportunité de bâtir des logements, ou d’installer un commerce par exemple.
Les formulaires ne comportent en revanche aucune question relative à l’argent ou à la religion. Ils doivent comporter le nom de la personne recensée, mais ce nom n’est pas scanné avec les résultats, il ne sert qu’à éviter de compter deux fois la même personne. Les résultats sont donc totalement anonymes, et les informations données restent strictement confidentielles. Les agents, chargés de relever des informations sur le nombre d’occupants ou le niveau de confort d’un logement, sont tous munis d’une carte professionnelle signée du maire de la commune, et son identité peut être vérifiée auprès de la mairie.
C’est la dernière fois que l’Insee procède ainsi à un recensement exhaustif de la population du département. Les prochaines études devraient, suivant un calendrier qui reste à définir, coller aux méthodes annuelles appliquées en métropole.
La population totale de Mayotte sera connue durant le mois de décembre, et les autres données seront distillées au cours des deux années à venir.
Avec un budget de 1,4 million d’euros, et un slogan qui prône « des chiffres aujourd’hui pour construire demain », il reste à espérer que l’opération rencontre le succès escompté, et que la méfiance engendrée par les résultats du recensement de 2012, n’entraîne pas de défiance à l’égard de l’édition 2017.
Yohann DELEU