A la barre, la prévenue ne semble pas mesurer la gravité de sa situation, ni des faits reprochés. Souriante, presque goguenarde, avec son foulard sur la tête et son sac à main sur l’épaule, il n’en fallait pas plus pour agacer le président Sabatier. « Le tribunal rira le dernier » prévient-il. Le ton est posé.
Tout a débuté le 5 avril dernier. Chez elle avec son jeune fils, madame attend son époux. Quatre jours qu’il n’est pas rentré. Qu’il ne répond pas. Les armoires sont vides, le petit a faim. « Je suis donc allée le chercher là où l’on habitait avant, et qui est toujours chez lui » raconte-t-elle, aidée d’un traducteur.
Là, elle rencontre la nouvelle compagne de son époux, qui ne sort pas dans la rue. Le ton monte, et les deux femmes en viennent aux mains. L’une affirme avoir reçu un coup à la nuque. L’autre, avoir reçu des coups de barre de fer. Une arme qui demeurera introuvable, et qui ne fait pas partie des faits reprochés.
Dans la bagarre, l’épouse esseulée attrape l’oreille de sa rivale, et lui en arrache une partie, avant de s’enfuir, laissant le morceau d’oreille à plusieurs mètres de là.
« Je n’étais pas venue pour me battre, je voulais parler avec lui » se défend la prévenue. « Vos voisins disent que vous êtes violente, ce n’était pas votre première bagarre » réplique Laurent Sabatier.
Les bagarres antérieures, pour la prévenue, seraient dues aux « provocations » de son mari. Lequel ne vient d’ailleurs plus la voir depuis les faits de violence à M’Gombani.
« C’était au papa de régler le conflit » tente de se dédouaner la croqueuse d’oreille. « Il y a des solutions autres que de se battre et d’arracher des oreilles, répond encore le président du tribunal. Sinon ça finira au cimetière ! »
Le couple polygame n’étant pas uni civilement, mais uniquement religieusement, le tribunal conseille à la jeune femme d’interpeller le Cadi. Pour nourrir son fils, d’aller réclamer une pension alimentaire au papa.
Sur le plan pénal, le procureur avait requis un an de prison avec sursis, précisant que selon la Loi, « constitue une mutilation l’arrachement du pavillon d’une oreille ». La mutilation, c’est, en théorie, 10 ans de détention.
Clément, le tribunal prononce finalement une peine d’avertissement, de 4 mois avec sursis. Bien peu pour un visage marqué à vie.
« Le tribunal a tenu compte des circonstances de l’altercation, justifie Laurent Sabatier, mais je ne veux pas vous revoir, ou vous irez directement à Majicavo. »
Y.D.