Avant, chacun faisait de la lutte contre l’illettrisme dans son coin. Mais ça, c’était avant. Avant la mise en place d’une structure censée fédérer tous les acteurs, la Plateforme partenariale de lutte contre l’illettrisme et l’analphabétisme. Sa gouvernance est bicéphale, l’Etat, qui en assure la présidence en 2017, et le conseil départemental, et elle est pilotée par le CARIF-OREF. Elle est financée par le Contrat de projet Etat-Région (CPER) et par le fonds européen FSE, pour un budget avoisinant le million d’euros.
L’illettrisme est un fléau à Mayotte qui était rappelé en chiffres : 58% de la population est illettrée (INSEE 2012), 39% est analphabète, 75% des jeunes ont des difficultés de lecture, 50% de la population est exclue de l’Offre de formation, et 90% des formations se font à Mamoudzou.
Partant de ce contexte, un plan d’actions a été mis en place par la Plateforme après une concertation entre les acteurs, collectivités locales, partenaires sociaux, associations, décliné en 7 axes. Qui tournent autour du diagnostic et du repérage, de l’ingénierie pédagogique à mettre en place, ainsi que les animations, la coordination des acteurs, ou les actions de formation.
Un référentiel propre
L’objectif est d’établir un cadre commun à tous les partenaires, aidé en cela par l’établissement d’un référentiel, « il doit permettre la mise en place d’une certification propre à Mayotte », explique Fatima Assani, Chef de projet de la Plateforme. C’est toute la difficulté de la jeune structure : « Nous sommes en train de construire la Plateforme de lutte contre l’illettrisme qui a été mise en place depuis fin 2015 », explique Youssouf Moussa, son directeur, qui ne l’a repris que depuis un an.
Elle ne peut néanmoins pas calquer un référentiel métropolitain bien différent du contexte local. Des jeunes en plus grandes difficultés d’apprentissage, « et certains ne sont pas tout à fait analphabètes puisqu’ils peuvent maîtriser l’écriture de l’arabe », nous explique un acteur.
D’autre part, si le mot « partenariale » est apposé à la Plateforme, il subsiste encore un manque de coordination. Tony Mohamed, le président de l’association Espoir et Réussite, continue à enregistrer des inscriptions dans son Ecole des parents, « ils apprennent à écrire leurs noms et à accompagner leurs enfants sur la voie de la réussite scolaire. » Un travail que Zaïnabou Abaine effectue au sein de la Plateforme, « sur Sada et Chirongui, nous avons travaillé avec un public jamais scolarisé. Nous avons pris un mois pour qu’ils apprennent à écrire leur nom, ceux de leurs enfants, les dates de naissance, et qu’ils se repèrent dans le temps et sur un calendrier ».
Beaucoup de défections
L’ensemble des formations qui se sont déroulées de février à juin, a touché 350 personnes, sur 1.000 inscrites au départ. « A ce train là, il va nous falloir des centaines d’années ! », s’exclame Alain Le Garnec, Directeur du Centre national de la Fonction publique Territoriale (CNFPT). Il appelle à davantage de « synergie entre les institutions ». « Il faut utiliser le ‘plan mutualisé de formation’ proposé par la loi Egalité réelle ». Le vice-rectorat, présent lors de ce bilan d’action, indiquait former des personnes ressources, « des enseignants qui ont une spécialisation ‘français-langue de scolarisation’ ».
Si un vent d’optimisme continue à souffler sur la Plateforme de lutte contre l’illettrisme, ce premier bilan doit contribuer à maintenir une grande rigueur dans l’élaboration des outils d’évaluation qui doivent intégrer les problématiques mahoraises, et dans la synergie des acteurs pour toucher le plus largement la population.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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