« En avril, c’était troué de partout » s’étonne une enseignante qui en est à sa 4e visite de la plus vieille mosquée active de France. « Ca a été rebouché il y a un mois et demi » sourit le guide Ambass Ridjali, par ailleurs directeur des affaires culturelles et patrimoniales de Tsingoni.
Troué et rebouché car la mosquée fait l’objet de nombreux travaux de restauration, et de fouilles menées avec la DAC de Mayotte.
Ces travaux, présentés en août dernier dans une vidéo disponible en ligne, ont permis de dater plus précisément le plus vieil édifice de Mayotte. Jusqu’alors estimé comme étant du XVIe siècle, des fondations plus profondes permettent de dire qu’une mosquée occupait déjà le site trois siècles plus tôt. Ce qui place l’ancienne capitale mahoraise au rang de véritable trait d’union entre le moyen-âge et le XXIe siècle.
Car si elle a beaucoup changé depuis sa première construction en pierre de corail, la mosquée a toujours été fréquentée par les fidèles. Au gré de la politique et de la démographie, l’édifice classé monument historique a su évoluer pour s’adapter sans cesse aux besoins des habitants.
« Vers le XIIe siècle, une première mosquée existe et aurait été bâtie par un arabe surnommé Sharif, explique Ambass Ridjali, intarissable sur le plus célèbre monument de sa ville. Puis au XVIe siècle, le sultan Insa est arrivé et a apporté sa touche personnelle qui est le Mihrab. Ce qui a fait de Tsingoni une mosquée royale, et de fait, la capitale de Mayotte. Ensuite il y a eu de nombreuses modifications pour les besoins des utilisateurs. »
Parmi les plus notables, on peut relever la construction d’un bassin dans les années 1960. « L’extension a servi 10 ans comme bassin. Quand l’eau courant est arrivée, c’est devenu une salle de prière et une madrasa pour les femmes. »
Un monument sauvé par ses modifications
Les années 1980 ont vu la mosquée se moderniser, au fil de travaux municipaux. Puis dans les années 2000, les fidèles ont pris les travaux en main pour mettre en service une nouvelle salle de prière à l’étage « qui a obstrué le côté ouest de la mosquée, il s’agissait de faire face à l’augmentation de la population ».
Un choix qui a permis à l’édifice de survivre. « La mosquée ancienne existe encore grâce à cette nouvelle salle qui coexiste avec l’autre. Si on aait bâti une nouvelle mosquée, celle-ci serait tombée en ruine, comme celle de Polé » explique le guide au groupe de visiteurs.
Des visiteurs toutefois moins nombreux que les années précédentes remarque-t-il. « Peut-être parce-que pas mal d’autres sites sont à visiter cette année, plus le salon du tourisme. »
En tout ,ce sont une centaine de visiteurs qui se pressent chaque année à la mosquée de Tsingoni. Auxquels s’ajoutent les groupes de scolaires qui la visitent tout au long de l’année, et pérennisent la mémoire de ses pierres.
Yohann DELEU