C’était l’âge d’or de l’AJKE. Mais là où s’érigeaient leurs bangas en terre il n’y a plus qu’un terrain vague où des squatters avaient trouvé refuge. Il aura fallu qu’un enfant de l’école voisine reçoive un caillou dans la tête pour que les autorités décident de faire place nette.
Il y a deux ans, Haffaridine Ali Mohamed, dit « Rasta », et Julien Gauquelin décidaient de fédérer les jeunes du quartier de Kawéni Poste en luttant contre leur désœuvrement. Ils créent l’Association Jeunes Kawéni Espoir, l’AJKE, se retroussent les manches et construisent avec eux un premier banga en terre, puis une maison commune, agrémentée d’un petit jardin qu’ils commencent à cultiver.
Depuis, lorsque des manifestations barraient les routes de Mayotte, tout le monde s’étonnait : à Kawéni, c’était le calme plat. Une preuve de plus que, pris en charge, les mineurs ne menacent plus la paix dans les quartiers. Les politiques de la commune venaient même y boire un café. Mais à la suite d’un différend au sein de l’association, les bangas sont saccagés, et chacun part dans son coin, laissant le lieu inoccupé. « Rasta », qui est recruté par le collège K1 à Kawéni, reste président de l’AJKE, et veut poursuivre le travail. Il est accompagné pour cela par les Céméa qui leur offrent un toit.
Une équipe de Mayotte 1è agressée
Bien que la nature ait horreur du vide, le jardinet est à l’abandon, plus rien ne s’organise sur ce terrain qui jouxte l’école. Des délinquants squattent les containers, et passent au dessus du grillage de l’école pour utiliser les toilettes et se doucher. Ça devient vite infernal, jusqu’à la semaine dernière où un élève de l’école primaire Kawéni Poste, qui jouait dans la cour, est grièvement blessé à la tête après avoir reçu une pierre venant de l’extérieur.
La police nationale fait une première descente, confisque une vingtaine de chiens élevés en meutes, mais essuie un tir de caillou en règle. Puis, c’est une équipe de Mayotte 1ère qui se fait agresser, un collègue journaliste se fait arracher la chaine en or qu’il portait autour du cou, et la vitre arrière de leur véhicule vole en éclats.
Une opération était donc programmée ce vendredi à 7h, avec la mairie de Mamoudzou et une quinzaine de policiers menée par le commandant Favras, assistés par 8 de leurs confrères de la municipale. Avec quelques petits contretemps, les engins de chantier de la mairie n’étant pas présents à l’heure dite. Bananiers ou containers… la tractopelle ne faisait pas dans le détail.
Le projet banga, un « ballon d’essai » pour partie réussi
Face au nettoyage en règle, celui qui avait été un des défenseurs du projet de bangas, Chadhuili Assani, conseiller spécial du maire, ne veut pas parler d’échec : « Nous avons lancé un ballon d’essai. Nous avions même envisagé d’utiliser Haffaridine comme formateur d’autres jeunes pour fédérer un mouvement de quartier. Ça n’a pas marché, mais nous recommencerons. D’ailleurs, pas mal de jeunes ont pu s’insérer grâce à cette réalisation. » Il est revenu à plusieurs reprises sur le terrain, « les jeunes que je voyais trainer ne faisaient pas partie de l’AJKE ».
Sidi Nadjaïdine, adjoint chargé de la politique de la ville, supervise le nettoyage de la zone, depuis le terre-plein derrière la MJC, jusqu’au lit de rivière en aval de Majimbini.
Plus loin, restant à l’écart, Haffaridine assiste au démantèlement de tout ce qu’il avait contribué à bâtir : « Je suis rassuré que tout ça soit nettoyé, que ça ne reste pas un abri pour squatteurs, mais ils auraient pu nous prévenir pour qu’on puisse éventuellement récupérer des affaires. » Il évoque surtout les containers, « ils avaient été financés par une entreprise du quartier », explique-t-il.
Le syndicat Alliance Police nationale en profite pour souligner que cette action est menée « malgré les moyens indignes dont nous disposons, des véhicules inadaptés à nos opérations, le manque d’homme pour pérenniser la sécurité sur l’ensemble du territoire. »
Pour finir de sécuriser l’école, la mairie de Mamoudzou va arracher le grillage et ériger un grand mur en béton.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte