Comment un homonyme s’est retrouvé à la barre au lieu du vrai prévenu

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Le code pénal , clé de voûte des décisions judiciaires
Les homonymes, fréquents à Mayotte créent parfois des confusions
Les homonymes, fréquents à Mayotte créent parfois des confusions

Ce mercredi, c’était audience collégiale au tribunal correctionnel de Mamoudzou. Là où, en résumé, se retrouvent les affaires les plus sérieuses, nécessitant trois juges. Ce mercredi donc, le président Rodriguez, fraîchement arrivé à Mayotte, entouré de ses deux assesseurs, fait l’appel des prévenus. Dans la salle, un homme se lève, vient à la barre, convocation et pièce d’identité en main.

Le procès aurait pu commencer là si une avocate ne s’était pas exclamée « Il est beaucoup plus jeune ! » En effet, l’homme poursuivi pour agression sexuelle sur mineur, et qui devait être jugé, est né en 1952. Clairement, l’homme à la barre a bien 20 ans de moins.
Il faudra l’aide du traducteur, et des avocats, pour tirer l’affaire au clair.

L’huissier qui s’est rendu dans le quartier où vit le vrai prévenu a bien remis la convocation en main propre, mais à une personne portant le même nom. Si cette dernière assure à la barre que l’homme initialement convoqué était bien au courant, et avait surtout du mal à se déplacer, rien ne prouve juridiquement, qu’il ait été convoqué dans les règles du droit. « Le tribunal n’est pas saisi puisqu’on n’a pas remis la convocation à la bonne personne » se désole le président. « Il y a beaucoup d’homonymes dans ce quartier » appuie un avocat.

L’aide juridictionnelle en question

Derrière cet imbroglio improbable se cache une autre réalité : celle de la difficulté du travail des avocats à Mayotte. En effet, le conseil du prévenu aurait pu l’avertir, et/ou le représenter à l’audience. Le procès aurait alors pu avoir lieu. Mais l’aide juridictionnelle, qui permet aux avocats d’être payés lorsqu’ils défendent un client en difficulté financière, encadre précisément les actes pour lesquels ils interviennent.

A chaque mission, il faut une aide juridictionnelle particulière, et donc une demande spécifique du client. Là, l’avocat, Maître Soihaili avait été commis d’office pour remplacer un avocat parti en métropole. Mais son nouveau client n’a jamais pris contact avec lui pour qu’il puisse le défendre. « Je ne vais pas défendre une personne qui ne m’a pas donné mandat » explique Me Soihaili.
Ni convoqué, ni représenté, le prévenu ne pouvait être jugé. Il devra donc être recité. Du temps perdu pour la justice, mais aussi pour la victime qui devra encore attendre pour le jugement de cette affaire, qui remonte à 2015.

Y.D.

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