Il se dit « fatigué de la prison », et y retourne.
Bacar S. , 7 mentions au casier, a un talent rare pour ce qui est d’agacer les magistrats.
Ce lundi, il comparaissait pour avoir violenté sa fille de 14 ans début septembre. Ce jour-là, à Sada, les gendarmes sont appelés pour des violences sur mineur. Lorsqu’ils se présentent au domicile de Bacar S., il entendent des cris à l’intérieur. Ceux d’un homme en colère, et ceux d’une fille en détresse. Les militaires frappent à la porte, s’annoncent comme gendarmes, et les cris redoublent de violence. Ils décident alors de défoncer la porte, et entrent dans le logement. Là, ils trouvent un homme qui étreint fortement la victime par la gorge pour l’empêcher de les rejoindre. L’homme tient une machette à la main. Après plusieurs sommations des militaires, il la relâche et se laisse interpeller.
En audition, la fille explique que son père boit et fume du bangué et qu’il est « fou ». Elle dit avoir eu « très peur qu’il me tue ».
Placé en garde à vue, le père, âgé de 38 ans, montre en effet des signes d’instabilité mentale. Il déchire son matelas et défèque à côté des toilettes. Il n’en fallait pas plus pour que son avocate ne réclame une expertise psychiatrique. Une expertise qui le décrit comme impulsif et autoritaire, mais pas malade et accessible à une peine d’emprisonnement.
Une curieuse défense
Interrogé sur les coups portés à sa fille, le prévenu dit qu’il n’a « pas de problème de violence, j’ai toujours été accusé mais je n’ai jamais agressé personne ». En audition, il reconnaissait avoir usé de son « droit de correction »
« Vous avez fouetté votre fille avec une branche, l’avez menacée avec un coupe-coupe, ça dépasse le droit de correction d’un père » fustige la présidente.
« Je l’ai fouettée deux ou trois fois, pour lui remettre les idées en place, c’est tout » minimise le prévenu qui n’en finit pas de s’enfoncer. « Je l’ai fouettée car sa maman appelait la police, pour lui faire comprendre que ce que faisait sa mère n’était pas bien ».
Fouetter la fille pour punir la mère, les magistrats manquent de s’étrangler et égrainent le casier du prévenu, qui écoute en souriant. Sept mentions pour des délits routiers, des violences et des outrages. Autant de complots pour le trentenaire qui ne reconnaît aucun des faits pour lesquels il a été condamné. « Je ne suis pas un délinquant, je suis un homme responsable, un Mahorais qui veut travailler pour aider son île ».
L’homme accuse son ex-compagne de vouloir le faire condamner, et répète plusieurs fois n’avoir jamais commis de violence. Tout en reconnaissant les coups de fouet avec une branche.
Le procureur décrit un cas « atypique, pas réceptif à l’explication ». « Interloqué » par l’expertise psychiatrique qui écarte toute maladie mentale, il regrette l’attitude du prévenu à la barre. « Vous ne voulez pas comprendre que c’est grave, qu’on n’a pas le droit de frapper, même sa fille. Tout ce qu’il me reste, c’est la peine lourde et dissuasive, pour que ces faits ne se reproduisent pas. Quand on a sept mentions à son casier, on ne la ramène pas! », tonne-t-il, réclamant un an de prison dont 6 mois avec sursis et mise à l’épreuve.
Invité à se défendre, son avocate n’ayant pas fait le déplacement, l’homme répète qu’il n’est « pas un délinquant, mon casier n’est pas justifié pour moi. Violenter ma fille, c’est pas grave, j’ai jamais frappé les enfants » poursuit-il, à la limite de l’incohérence. Il estime enfin que « les soins c’est une perte de temps pour moi ».
Qu’importe, le tribunal a jugé qu’il avait besoin de consulter un psychologue. Renvoyé en détention pour les prochaines semaines, il écope de 6 mois, dont trois mois avec sursis et mise à l’épreuve. A sa sortie, il devra se soigner pendant deux ans, ne pas porter d’arme, travailler. Sans quoi il retournera en prison pour trois mois supplémentaires. Il est reparti à Majicavo en criant « merci » au tribunal.
Y.D.