Ce sont « trois dossiers boiteux » selon le procureur Rieu qui a requis leur nullité. « Le parquet prend sa part, il n’a pas assez contrôlé l’action de la police et de la gendarmerie. »
L’attaque est frontale, et se trouve motivée par les reproches adressés depuis le week-end dernier de la part de policiers à l’égard du parquet, au sujet d’un braqueur présumé libéré. Des attaques que le procureur et ses substituts semblent garder en travers de la gorge, d’autant plus après la publication d’un tract.
« Nos services ont été mis en cause par des individus mal intentionnés au sein de la police, qui nous reprochaient des remises en liberté et un trop grand contrôle de leur travail » confirme le parquetier qui rappelle qu’il est « illégal de critiquer une décision de justice ».
Le travail clairement remis en cause ce mercredi est celui de policiers et de gendarmes. Le tribunal avait à juger trois affaires, dont les procès verbaux tiennent parfois de la farce, et que le tribunal n’a pas pu juger.
Du carrelage sur un scooter ?
Le premier dossier concerne des faits de détention de stupéfiants. Le 4 juin dernier, la BAC de jour voit un individu bricoler un scooter sur le parking de la SNIE à Kaweni. Justifiant leur action par un grand nombre de vols de deux-roues, les policiers décident de vérifier. Jusque là, pas de souci. Le scooter est en règle, et n’a pas été déclaré volé. Mais les fonctionnaires décident d’aller plus loin en procédant à un contrôle d’identité. L’homme semble mal à l’aise, sa main tremble. On lui demande s’il possède quelque-chose d’illicite et il reconnaît avoir sur lui du cannabis. 43 grammes en tout. Sans domicile connu, déjà condamné dans une affaire de stups, le coup aurait pu être joli. Sauf que le véhicule étant stationné, en réparation, le contrôle justifié par des textes du code de la route n’était pas légal. Ainsi, aucun des aveux obtenus ensuite n’était recevable. Le tribunal a donc du prononcer la nullité du dossier, et la relaxe du prévenu.
Le grande réussite de la BAC aura été de faire sourire le tribunal en écrivant sur le procès verbal que le scooter était « dépourvu de carrelage », au lieu de carénage.
Poursuivi pour avoir « intentionnellement travaillé »
Le deuxième dossier est du même acabit, et se passe à Chirongui. Lors d’un contrôle routier, la gendarmerie découvre qu’un conducteur est en situation irrégulière. Ce dernier affirme être en train de travailler, comme mécanicien auto. Les gendarmes écrivent que l’homme « a intentionnellement travaillé » sans préciser que le travail n’est pas déclaré. Ensuite, les militaires se fondent sur des article du code du travail de métropole, qui n’a pas (encore) cours à Mayotte. Les textes visés n’étant pas applicables, et la prévention (travailler intentionnellement) n’étant pas un délit, il a fallu annuler la procédure.
Un PV rempli trop vite
Le troisième dossier qui a capoté concerne un étranger en situation irrégulière à l’aéroport. Contrôlé avec une carte d’identité, l’homme a été poursuivi pour « usage de faux document administratif ». Or, en examinant la pièce, le procureur s’est rendu compte qu’il s’agissait d’une vraie pièce d’identité, mais utilisée par une autre personne. Ce qui est un autre délit. En outre, le procès verbal n’a pas été complètement rempli. Il laisse apparaître des blancs dans les champs à préciser. On peut ainsi y lire que le prévenu a « fait usage de [document concerné]… au préjudice de [NOM PRENOM] ». Impossible de juger dans ces conditions. Le tribunal a retenu la « nullité pour défaut de précision ».
Y.D.