Le mécénat : un coup de pouce, pas une roue de secours

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Première table ronde sur le mécénat
Première table ronde sur le mécénat

Pour la première fois, une table ronde était organisée sur le sujet du mécénat à Mayotte, et les partenaires avaient répondu présent, l’hémicycle Younoussa Bamana était plein samedi matin.

En matière de mécénat, aucune statistique ne permet de dresser d’état des lieux à Mayotte. Sur l’ensemble du territoire national, 170.000 entreprises pratiquent le mécénat, essentiellement dans le secteur du social et du culturel, pour un montant de 3,5 milliards d’euros, le plus souvent en numéraire, mais aussi en matériel, ou en compétence, « un comptable peut être mis à disposition gratuitement », expliquait la BGE. Les particuliers aussi participent, « ils sont 2,3 millions de français versant en moyenne 210 euros ». Les Très petites entreprises (TPE) représentent 72% des entreprises mécène en France.

Intéressant pour une entreprise qui peut déduire ses impôts jusqu’à 60% de la somme transférée. Mais l’optimisation fiscale n’est pas le seul motif, puisque 45% des entreprises mécène ne font pas de démarche pour obtenir une réduction d’impôt. « Très souvent, elles le font pour valoriser leur image et leur réputation. Ça n’est pas qu’une pompe à fric, c’est un partenariat qui doit se faire autour du partage des actions de l’entreprise ! » Un tour d’horizon concret en quelques mots directs.

Attention aux détournements

Un hémicycle plein
Un hémicycle plein

Mais tout n’est pas rose dans le monde du mécénat. Un système qui peut être détourné pour duper le fisc, « il suffit pour le particulier d’assurer avoir effectué un transfert vers une association, et de s’entendre avec elle pour obtenir un certificat, et obtenir ainsi une réduction d’impôts. A noter que l’amende est de 25% des sommes indûment mentionnées », rapportait la BGE.

Un autre détournement menace, celui de l’Etat ou d’une collectivité, pour combler un désengagement. Le responsable d’une association spécialisée dans l’environnement intervenait : « Les associations font beaucoup, comme le nettoyage des villages, mais pas le secteur public ! ». S’appuyer sur les associations ou le secteur privé pour mener des politiques publiques est assez risqué. D’abord, parce que la compétence n’est pas toujours au rendez-vous, ni les équipements adéquats.

Mais aussi parce qu’il ne faut pas laisser le champ libre à des mécènes qui vont financer des secteurs pourvoyeurs de bénéfices ultérieurs, les nouvelles technologies par exemple pour un opérateur téléphonique.

La Direction du Travail (Dieccte) nuançait, « l’Etat n’est pas providence, les déchets n’arrivent pas tout seul, les associations ont leur place dans l’éducation et la sensibilisation des habitants. »

Structurer avant d’être sponsorisé

Ben Amar Zhegadi
Ben Amar Zhegadi proposait de changer de paradigme

Autre vecteur de financement des associations : le sponsoring (don sans déduction d’impôt). La Direction de la Jeunesse et des sports (DJSCS) choisissait de dresser un état des lieux du secteur sportif, grand bénéficiaire de sponsor. Un tableau peu avantageux à Mayotte, « 21.000 licenciés, dont un tiers de footballeurs, soit 8 fois moins que la moyenne nationale ».

Même déficit dans le nombre de ligues, dans celui des activités sportives, « une vingtaine environ, contre 300 sur le plan national », et dans celui des équipements sportifs, « 324, soit 8 fois moins que la moyenne nationale ».

En cause, un secteur peu structuré. Et comme pour le mécénat, inutile de vouloir faire appel à des bienfaiteurs avant de balayer devant sa porte : « La population Mahoraise est habituée à la gratuité dans le sport. Or, quand on va au marché, on achète son kilo de tomates. Les associations ne peuvent plus continuer à accueillir gratuitement tout le monde. La participation de l’adhérent peut prendre la forme d’un bénévolat dans l’association. »

Un sponsoring à la petite semaine

Qui peut sponsoriser ? S’ils sont 43% des ménages à le faire sur le plan national, notre PIB de 4 fois inférieur et les 84% de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, freinent les prétentions. Les collectivités n’en ont pas les moyens, pour l’instant, et l’Etat est annoncé comme un bon élève, avec « 4,5 millions d’euros à disposition du territoire. »

On se tourne donc encore vers les partenaires privés, « on est là aussi loin des standards nationaux ». Et la DJSCS cite en exemple la dernière Coupe de Mayotte de foot, entre les Diables noirs de Combani et le Football club de Mtsapéré, « un événement hyper médiatisé », au cours duquel les tee-shirts des joueurs arboraient logos et noms des sponsors… mais pour des recettes ridicules, selon la DJSCS, « le budget moyen annuel des 39 clubs de foot est de 29.365 euros ! » Une exploitation du sport « à des coûts dérisoires », indique-t-il. Il préconise la rédaction d’une charte pour le sponsoring mahorais.

On le voit, à peine lancé, le sujet du mécénat et du sponsoring est dûment appuyé par l’Etat. Il ne faudrait pas qu’il pallie son désengagement, mais qu’il vienne en complément de son action, et dans des secteurs ciblés. Ben Amar Zeghadi, directeur de la CRESS, appelait lui à « changer de paradigme », pour « redéfinir le mode de financement en partant des difficultés de structuration que nous avons sur le terrain. »

Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com

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