Evasion de la terre dans le lagon : la pluie fautive

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Etude des bassins versants de 3 cours d'eau
Etude des bassins versants de 3 cours d’eau

A Mayotte, l’érosion des sols représente un enjeu majeur à plusieurs égards. Du point de vue agricole, la perte de sols due à l’érosion s’accompagne d’une baisse du potentiel de production. Compte tenu de la forte croissance démographique, cette évolution représente une sérieuse menace en termes de sécurité alimentaire du territoire.

L’érosion entraine également une dégradation des écosystèmes aquatiques, dont la manifestation la plus spectaculaire est l’envasement du lagon et la détérioration irréversible des récifs frangeants. Or, ce patrimoine naturel exceptionnel représente une opportunité unique de développement touristique, donc économique, qu’il convient de préserver.

A la demande de la DEAL, le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) a entrepris une étude pluriannuelle, 2014-2020, pour comprendre, prévenir et remédier à ces phénomènes d’érosion des sols. C’est l’objectif du projet LESELAM, pour Lutte contre l’Erosion des Sols et l’Envasement du LAgon à Mayotte.

Face au déluge, les ruissellomètres

Pluviomètres
Utilisation de pluviomètres

Mené depuis deux ans, ses conclusions étaient attendues, censées rendre compatible le développement de l’agriculture de l’habitat rural d’un côté, et la préservation du lagon d’autre part. Pas toujours claires pour les profanes, elles ont été livrées ce mercredi de séminaire de clôture qui se terminera demain jeudi par une visite de terrain à Dzoumogné*.

Trois bassins versants ont été étudiés, Mtsamboro, Dzoumogné et Hajangua, en espérant qu’une cartographie de l’ensemble de l’île soit proposée un jour. Plusieurs données sont communes aux trois zones : une pression anthropique importante liée à l’agriculture et à l’habitat, qui impactent par des coupes dans le massif forestier, et une forte dépendance de l’érosion aux intensités pluviométriques.

Les principaux constats font état de faibles quantités d’érosion sur les parcelles agricoles cultivées, de quantités moyennes sur des parcelles urbaines cultivées, et de fortes quantités sur les padzas, ces dômes dénudés de végétation.

Au départ, la DEAL souhaitait connaître la quantité d’érosion des sols et de transport de terre dans le lagon Des outils ont donc été mis en place. Deux dispositifs de mesure ont notamment été installés : des ruissellomètres qui récoltes les eaux de surface et les achemine vers des citernes, « ce qui permet de corroborer l’intensité de la pluie et du ruissèlement », et un réseau de placettes d’érosion, qui acheminent les eaux de ruissèlement vers les citernes.

Les pics pluvieux destructeurs

Les fortes pluies se transforment rapidement en fortes boues
Les fortes pluies se transforment rapidement en fortes boues

Les premiers résultats chiffrés quantifiant l’érosion sont précieux pour les chercheurs, mais parleront moins à l’homme de la rue. C’est par exemple 1 million de m3 d’écoulement de terre qui s’est déplacé, et notamment vers le lagon, du 8 décembre 2015 au 30 juillet 2016. Par contre, et même si cela est intuitif, « on note que l’écoulement est fortement variable avec la pluviométrie », mais surtout, « avec l’existence ou non de pics  pluvieux », explique Bruno Lidon, du Cirad, puisque sur la période moins arrosée de 13% d’octobre 2016 à mai 2017, et surtout sans phénomène extrême, on constate 73% d’écoulement en moins.

On peut en déduire comme Lapalisse que « pour réduire l’érosion, il faut limiter l’impact des gros évènements pluviométriques », c’est à dire, doter les zones à risque d’équipements, et lutter contre l’agriculture à fort déboisement.

Si le phénomène d’écoulement est spectaculaire à Dzoumogné, il ne se produit que 6 heures après les fortes pluies, contrairement à Mtsamboro où la terre dévale10 à 15mn après.

Le problème ne vient pas toujours d’en haut : « L’érosion n’est pas tant liée à la présence de décaissement de terre liée à des travaux, mais à des problèmes de ravines en aval ». En effet, la plupart des sols étudiés ont de très fortes capacités d’infiltration, « ce qui n’est pas toujours de bonne augure, puisqu’une eau qui part provisoirement dans le sol peut ensuite alimenter les écoulement de surface lorsque la pente cesse ».

En conclusion, si on veut maîtriser l’érosion, « il faut agir sur la plantation de la parcelle mais aussi sur le bassin versant ».

Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com

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