Le forum de l’économie circulaire s’est ouvert ce lundi matin, animé de nombreux échanges. Il en ressort la nécessité d’une production plus durable,et d’une consommation plus responsable. Des changements d’habitudes qui profiteraient à tous.
Car l’économie circulaire, c’est d’abord tenter, en faisant travailler ensemble des acteurs engagés dans le développement durable, de faire tourner l’économie en circuit fermé. Produire, recycler, consommer, sans dépendre outre-mesure de l’extérieur et sans dépasser nos capacités de production. L’exemple des tomates est revenu comme un fil conducteur de cette matinée d’interactions, comme l’exemple type, à la fois de ce qu’il ne faut plus faire et de ce qu’on peut mieux faire. « Certains produisent n’importe comment, guidés par le profit, en mettant en danger la population » accuse Mohamed Ali Hamid, président de la CCI Mayotte qui accueille le forum. Des mauvaises habitudes de production des tomates qui sont aussi « une question de survie » pour leurs producteurs complète, moins sévère, Dominique Didelot de la DAAF. Lui, souligne « la problématique du changement des habitudes alimentaires ». Il pointe la culture du manioc et de la banane qui a entraîné l’arrachage de champs entiers de vanille ou d’ylang, privant Mayotte de possibles filières d’exportation. « Aujourd’hui Mayotte n’exporte plus rien. On a espoir de relancer la filière Ylang de Mayotte, réputée le meilleur du monde, ce qui créerait 50 à 100 emplois. Selon lui, une famille avec 2 hectares d’Ylang pourrait, à raison de 4€ le kilo, vivre décemment de sa production « à condition de respecter une production traditionnelle, agro-écologique et rationalisée ».
Par rationalisée, comprenez une production professionnelle, répondant à des normes, et avec un numéro de Siret, condition sine qua non pour obtenir des aides européennes. Peu demandées, elles peuvent pourtant couvrir jusqu’à 100% d’un investissement dans un projet économique durable.
Développer ce type de production est aussi souhaitable dans l’agriculture alimentaire pour « mieux répondre aux demandes des consommateurs. Les Mahorais sont très attachés à leur campagne mais petit à petit le lien disparaît » regrette le représentant de la DAAF. Il en revient aux tomates en vantant l’idée d’un label de qualité. « Sur les tomates, on sait que des producteurs travaillent bien ». Autant les valoriser.
Un modèle vertueux
Le fonctionnaire promeut aussi le retour au jardin mahorais, comme modèle d’une production saine et durable. « Ce modèle qui fait pousser un peu de tout est un modèle vertueux agro-écologique, sans besoin de produits phytosanitaires car les plantes se protègent mutuellement.. La productivité à l’hectare est meilleure qu’en monoculture, mais celle-ci se développe. On est sur la mauvaise pente. » Il prône l’autorisation de détruire systématiquement les plantations illégales.
Mais il n’y a pas que la production. Il faut aussi jouer, et c’est un des pans de l’économie circulaire, sur la prévention auprès du consommateur afin de « valoriser une alimentation locale et variée, il n’y a pas que les Mabawas. Il faut valoriser la cuisine locale, équilibrée ». Une promotion qui permettrait de lutter contre le diabète tout en préservant des éléments culturels culinaires.
Ces mesures ont aussi un intérêt écologique à grande échelle. « Rien en agriculture ne peut se faire sans eau » rappelle M. Didelot qui explique qu’à Mayotte, les rivières s’assèchent. Chez nos voisins d’Anjouan, qui connaissent la même problématique de déforestation en vue de planter banane et manioc, « les rivières permanentes sont passées de 53 il y a quelques années à 14 aujourd’hui. L’eau est cruciale et le sera de plus en plus » conclut-il.
Circulaire aussi le lien entre l’eau et l’agriculture. S’il est nécessaire d’arroser ses plants, ce qui pousse est aussi lié à la retenue de la ressource en eau. La déforestation entraîne des écoulements d’eau vers le lagon, qui entraînent de l’érosion, et de fil en aiguille, la mort du corail, des poissons, et l’on imagine les conséquences en cascade sur l’économie mahoraise. Il faut penser « écologie, biodiversité, bien-être », appuie Adrian Deboutière, chargé de mission à l’Institut national de l’économie circulaire. L’idée étant de mettre l’économie au service de l’Homme, et non l’inverse.
« Il faut se préparer à une économie dans laquelle on n’aura plus accès à toutes les matières premières » conclut Laurent Georgeault, responsable développement durable à la CCI. La lumière au bout du tunnel, tient finalement dans la culture mahoraise elle-même selon lui. « Les Mahorais ont cette culture de faire avec ce qu’ils ont sous la main ».
Le virage vers l’économie circulaire pourrait donc faire moins tourner la tête qu’ailleurs.
Y.D.