Population recensée : quelle méthode pour quels chiffres ?

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La démographie s'est accélérée, atteignant désormais prés de 4% par an
La démographie s'accélère
La démographie s’accélère

L’INSEE a donc rendu publics ce jeudi matin les chiffres de la population mahoraise en 2017, et le moins que l’on puisse dire, c’est que ces chiffres suscitent au mieux l’incompréhension.
Pourtant, du côté de l’institut national des statistiques, le chiffre avancé de 256 500 habitants est défendu bec et ongle.
« On a voulu être très transparents sur la méthode, étant conscients de la forte contestation sur le territoire, pour convaincre du bien-fondé des chiffres annoncés.
En bref, le recensement 2017, c’est 1,3 million d’euros investis par l’Etat depuis le premier comité de pilotage il y a deux ans et demi.
Ensuite, c’est « un travail main dans la main avec les communes. S’il y a contestation, c’est autant nous que les maires concernés » précise l’Insee qui se défend de travailler seul sur ces données cruciales pour le département. Depuis plus d’un an, les maires, premiers concernés par le recensement qui détermine leurs dotations à venir, sont associés à cette vaste démarche.

Tous les bangas cartographiés

Sur la méthode, que nous avions déjà détaillée en septembre, une première enquête cartographique a été lancée en août 2016 « pour recenser tout le bâti du territoire, y compris les zones de bangas. C’est un travail spécifique qui ne se fait nulle part ailleurs ».
L’intégralité des logements, légaux ou non, a donc été identifiée, cartographiée, enregistrée. Ensuite, 530 agents recenseurs ont été recrutés dans les villages pour effectuer le recensement dans les quartiers qu’ils connaissent, auprès d’habitants dont ils maîtrisent la langue.
Enfin, des inspecteurs de l’INSEE ont enquêté dans les communes pour s’assurer que la méthode avait été respectée. Ces vérifications ont duré un mois.

Enquête de voisinage

Les chiffres en bref
Les chiffres en bref

« On estime à 1500 le nombre de résidences principales qui n’ont pas restitué le questionnaire » précise Jamel Mekkaoui, responsable de l’antenne locale, qui ajoute que ces habitants ont été pris en compte. Alors comment ont-ils fait ? Deux méthodes existent. « Dans un premier temps, on fait une enquête de voisinage pour savoir combien d’habitants compte le logement. Si on n’obtient pas de réponse, on prend la moyenne d’habitants par foyer sur le territoire, en l’occurrence : quatre. »

Ainsi, tout foyer qui n’a pas rendu le questionnaire est comptabilisé comme comportant quatre occupants, si les voisins n’ont pas été en mesure de donner un chiffre plus précis. Considérant que ces foyers ne représentent que 1500 logements, la marge d’erreur est donc faible.

Une densité exceptionnelle

Les chiffres sensationnels atteignant 400 000 ou 500 000 habitants que l’on entend parfois « sont du fantasme » selon M. Mekkaoui.
D’ailleurs, une population qui serait le double de celle d’aujourd’hui, impliquerait une densité de population encore supérieure. Or, avec 690 habitants au km², Mayotte est le département le plus peuplé de France en mettant de côté la région parisienne. Petite Terre se démarque avec une densité exceptionnelle de 2700 habitants au km². A titre de comparaison, le Rhône, avec la ville de Lyon, ne compte que 555 habitants au km². A noter que 50% de la population recensée à Mayotte se trouve sur trois communes : Mamoudzou, Koungou et Dzaoudzi-Labattoir. Or, contrairement à Lyon, ou à n’importe quel autre département français, Mayotte ne construit pas encore de logements (type HLM) en hauteur. Ces chiffres témoignent donc déjà d’une surpopulation indéniable, qui n’a guère besoin d’être romancée davantage.

Une croissance record

Enfin, avec ces données, « Mayotte conforte sa place de département ayant la plus forte croissance démographique ». La population augmente en moyenne de 3,8% par an, soit 8800 habitants en plus chaque année. Jusqu’en 2012, cette croissance n’était que de 5500 habitants par an. Depuis, le département compte 43 900 habitants supplémentaires. « On renoue avec des croissances que l’on n’avait pas connues depuis les années 1990 » poursuit le responsable.

L’impression d’un territoire où la population explose n’est donc pas erronée, mais les chiffres sont à prendre à la mesure de la superficie de l’île. D’autant que Mayotte ne compte pas que des immigrants et des naissances. « Tout le monde perd de vue les flux migratoires, analyse Jamel Mekkaoui. Entre 2007 et 2012, 18 000 natifs de Mayotte sont partis vers La Réunion ou la Métropole ».
La balance migratoire se joue donc entre ces départs, les quelque 10 000 naissances et 20 000 expulsions de sans-papiers annuels.

Un travail particulier sur les bangas
Un travail particulier sur les bangas

Les étrangers sont bien recensés

Au sujet de ces derniers d’ailleurs, ils ne sont pas les plus réticents à répondre aux agents recenseurs. « Le tabou n’est pas là où on croit. Le plus dur dans le recensement, ce ne sont pas les bangas, mais les résidences avec un code où on ne peut accéder, ou bien les M’zungus qui n’osent pas ouvrir la porte. On a plus de mal à recenser les Hauts-Vallons que les zones de bangas ». En outre « La moitié des personnes étrangères interrogées ont spontanément déclaré être en situation irrégulière, leur objectif n’est pas de se cacher, mais d’être régularisés ».

Enfin, pour couper court à toute polémique, les agents de l’Insee se sont penchés sur l’argument récurrent de leurs détracteurs : la consommation de riz à Mayotte, qui témoignerait d’une population bien plus élevée que leurs données.
« Il s’avère que les chiffres de la consommation de riz confortent nos résultats. La consommation à Mayotte est de 84kg par an et par habitant. Aux Comores, c’est 79kg et à Madagascar, c’est 111kg. Les pays qui mangent du riz en mangent beaucoup. »

Nous reviendrons très vite sur les chiffres détaillés par commune. Car la hausse de la population n’est pas uniforme, et réserve quelques surprises.

Y.D.

 

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