Il a l’air si loin d’un coup le temps où Alain Christnacht, Haut-fonctionnaire dépêché en 2012 à la recherche d’une solution au blocage du dialogue franco-comorien, s’exclamait « tout le monde à intérêt à ce que ça ne fonctionne pas ». Sans parler de fin de crise, car tout reste fragile sur ce sujet, réjouissons-nous qu’à quelques jours de la fin de l’année 2017, des parlementaires Mahorais aient officiellement été reçus en Union des Comores en tant qu’élus français. C’est une grande première, et une grande victoire pour la paix entre les peuples de la région dans la recherche d’une solution, qui semble prometteuse.
Tout d’abord parce que la Commission mixte paritaire France-Comores qui s’est réunie les 15 et 16 décembre 2017 à Moroni (Grande Comore) était présidée par des officiels comoriens, ministre des Affaires étrangères, ministre de l’Intérieur et ministre du Sport et de la Jeunesse, et pour les français, les députés Mahorais Mansour Kamardine et Ramlati Ali, le sénateur Abdallah Hassani, son pair Thani Mohamed Soilihi étant excusé par une séance du Sénat à présider, et Rémi Maréchaux, Directeur de l’Afrique et de l’Océan Indien au ministère des Affaires étrangères. C’est à dire que le dialogue s’est noué quasiment au plus haut niveau de l’Etat Comorien.
Les propos du président Azali la semaine dernière n’étaient-ils pas annonciateurs d’une ouverture, quand il qualifiait Mayotte de « pays ami », ne l’incluant pas de fait dans la nation comorienne.
La France timorée de son passé colonial
Ensuite, parce que Mansour Kamardine parle de « la franchise et de la cordialité des deux journées d’échanges, au niveau politique, entre les parlementaires français et les autorités comoriennes ». Evoquant la forme des échanges, il confie même au JDM qu’ils étaient « plutôt naturels ». Ce n’est pas tant un revirement d’une situation qui semblait inextricable il y a quelques mois, lors du clash de la feuille de route, selon lui, que la prise de conscience de la part de la France qu’ « il n’y a pas d’autres solutions qu’un travail commun, sans exclure une des parties. On peut déplorer que son passé colonial l’incite à marcher sur les œufs et la tétanise à l’idée de commettre une bourde ».
De là à dire que la feuille de route a boosté le dialogue, en dénouant les freins, il n’y a qu’un petit pas, « sans doute, cela a joué, mais ce n’est pas la seule raison de la réussite de cette Commission », commente le député Mahorais.
La route est encore longue avant une reconnaissance du choix de Mayotte, « la pleine reconnaissance de la francité de Mayotte par nos voisins et amis comoriens prendra du temps », mais l’important est bien de progresser sur les questions techniques : « Nous avons abordés les axes de développement et de coopération, comme le financement des écoles ou des hôpitaux, nous devons notamment instaurer une coopération sanitaire avec le CHM ».
Pas de développement par saupoudrage
On repense au discours d’Emmanuel Macron à Labattoir, qui avait préconisé d’appuyer fortement le développement de l’Union des Comores, qui aura notamment pour effet de fixer les populations sur leur territoire, et non de les envoyer à la mort dans la quête d’un meilleur sanitaire. A ce propos, le député Kamardine était intervenu le mois dernier en Commission de l’Assemblée nationale pour fustiger la faiblesse de l’Aide publique au développement, « 7 millions d’euros, c’est ridicule ». Voyons si le gouvernent mettra les moyens des ambitions affichées par le président Macron.
Troisième raison de se réjouir, en marge de la Commission s’est tenue une réunion informelle entre les même protagonistes, sur des thèmes politiques : « Nous nous sommes dits les choses, en évoquant notamment la perspectives de la reprise de la feuille de route jusqu’à présent suspendue ».
Et il a été décidé que ces questions seraient abordées au prochain Haut Conseil paritaire, qui doit se tenir au 1er trimestre 2018, « ainsi que la question de l’intégration des sportifs Mahorais aux Jeux des Iles de l’océan Indien, et de notre territoire à la Commission de l’Océan Indien. » Des points de crispation qui devraient se dénouer d’eux-mêmes si les questions politiques sont traitées avec autant d’objectivité.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com