Ce lundi, à l’occasion de la journée mondiale de la langue arabe, les auditeurs francophones découvraient sur France Inter que près de 500 mots en français sont issus de l’arabe. La tasse et le café ainsi que le sucre qui va avec et l’orange qui les accompagne sont des mots d’étymologie arabe. « Si vous faites votre marché et que vous achetez des épinards, de l’estragon, du potiron, des artichauts… Tous ces mots sont arabes. Même le mot « artichaut » qui ne vient pas de Bretagne ! Avec l’arrivée des rapatriés d’Algérie en 1962, après la décolonisation, les mots merguez, méchouis, sont entrés dans le langage courant. » rappelle Jean-Pruvost à l’antenne de France Inter. L’auteur de « Nos ancêtres les Arabes, ce que notre langue leur doit » y donne pléthore d’exemples de mots français qui sont venus de l’arabe, que ce soit au gré des relations commerciales ou des flux migratoires qui ont fait l’histoire de France. En plus de ceux évoqués à la radio, on peut rajouter la mousseline, qui vient de la ville de Mossoul, la chemise, de l’arabe kamis, ou encore… l’alcool, de l’arabe Al Kouhoul.
A Mayotte, la présence de l’arabe est, grâce à la religion, si forte que l’on viendrait presque à l’oublier. Lors d’une conférence sur les langues natales dans le 101e département, ce sont des auditeurs qui avaient rappelé que l’arabe fait partie des langues présentes à Mayotte et que, si les 3/4 de la population est partiellement illettrée en français, presque tout le monde a appris les caractères arabes à l’école coranique.
L’arabe de plus en plus enseigné à Mayotte
« On a tout le temps délaissé l’arabe à Mayotte, regrette-t-elle, jusqu’à l’arrivée de la nouvelle Vice-Recteur Nathalie Costantini. Depuis on a doublé le nombre de profs d’arabe, on est aujourd’hui 19 sur l’île et d’autres pourraient être recrutés l’année prochaine. Mayotte est la plus grosse académie de France en termes d’apprenants en arabe. Même si Versailles nous dépasse en nombre d’enseignants. »
Pas moins de quatre collèges enseignent l’arabe en LV1 à Mayotte et rien qu’au collège de M’Tsamboro, cette langue est étudiée par plus de 300 élèves. « Plein de gens avaient réussi à faire entendre que l’arabe n’était pas prioritaire à Mayotte, on commence seulement à recoller les morceaux », poursuit l’enseignante qui tient aussi à rappeler que « arabe ne veut pas dire musulman. J’ai un intervenant dans ma classe qui est un Syrien chrétien ».
Une langue présente en tant que telle, mais aussi comme forte influence du shimaoré notamment dans les champs lexicaux du voyage et du commerce, rappelle Leila Al Ardah-Miri, professeur d’arabe certifiée, conseillère pédagogique et chargée de cours au CUFR.
Rien qu’en shimaoré, « un tiers du lexique vient de l’arabe », soit un ratio bien plus important que dans le français. Une part qui s’explique en grande partie par les échanges commerciaux qui ont, depuis près de 1000 ans, transité par Mayotte, apportant peu à peu l’islam et la langue.
« L’arabe est une langue de voyage » analyse Leila Al Ardah-Miri. Ainsi des mots en shimaoré comme Tigara (le commerce), Hali (trop cher), Rahissi (bon marché), Safar (le voyage), Markab (l’embarcation) ou encore Toibibou (le médecin) viennent tous de l’arabe. Sans oublier Bahar, la mer, par laquelle ces mots, « que l’on retrouve aussi dans le Soihili » sont venus. Les formules de politesse n’y échappent pas. Marahaba (merci) vient ainsi de l’arabe « Marhaba » qui veut dire bienvenue.
« Mon rêve serait un dictionnaire arabe-shimaoré » conclut l’enseignante qui se réjouit de ce que « l’arabe soit en train de reprendre ses belles lettres à Mayotte, il y a une belle embellie. »
Alors qu’en métropole, d’incroyables polémiques jaillissent quant à l’enseignement de l’arabe à l’école, même pour une simple chanson andalouse, Mayotte montre une fois de plus sa capacité à tirer la République vers le haut.
Y.D.