« Vous venez nous sauver ? » Cette phrase terrible, c’est celle qu’un voisin de la famille décimée nous a adressée à nous, journalistes lorsque nous sommes arrivés sur les lieux du drame. Nous lui avons expliqué que notre rôle était d’informer de ce qui s’était passé, afin de sensibiliser les élus et l’opinion pour que ça ne se reproduise pas. Il nous a ouvert sa porte et exprimé sa peur, ainsi que d’autres voisins. Nous avons ensuite été interloqués à la lecture des différents communiqués qui nous sont parvenus, dans lesquels les condoléances naturelles et nécessaires côtoyaient des récupérations politiques alors même que le temps de l’émotion était au plus vif. L’ enquête judiciaire attendait encore d’être officiellement ouverte que plusieurs responsables pointaient déjà telle responsabilité, prônaient telle action, mais aucun, à de rares exceptions, ne s’engageait personnellement. Au risque que, au prochain drame, chacun puisse dire « je l’avais bien dit ».
L’Association des maires renvoyant à la responsabilité de l’Etat et des habitants : « L’Association des Maires de Mayotte présente ses condoléances à la famille endeuillée et appelle la population à être particulièrement vigilante durant cette période de forte pluie. Face à ces drames humains qui risquent de se reproduire dans d’autres communes, les collectivités locales sont dépourvues de centres d’accueil pour la prise en charge et l’hébergement des personnes en difficulté. L’Association des Maires de Mayotte demande à l’Etat de faire intervenir la solidarité nationale pour l’aide aux victimes des catastrophes naturelles et mettre en oeuvre un programme de construction de centres d’accueil dignes pour les populations vivant dans la précarité économique et sociale et enfin, d’examiner dès à présent les conditions propices pour que de tels drames ne se reproduisent. »
Le plus rapide à réagir aura été le député Kamardine qui informait dès jeudi matin qu’un communiqué suivrait, lequel nous est parvenu vers midi. Dans ce document, il cible longuement « l’immigration clandestine » et dit avoir « alerté le gouvernement, directement, il y a quelques semaines seulement, à l’Assemblée Nationale, sur la nécessité et l’urgence d’agir, à Mayotte, pour éviter ces conséquences destructrices. ». Un air de « je vous l’avais bien dit » qui tranche avec le ton de « tristesse » et de « colère froide » exprimé en début de communiqué. Il poursuit en assurant que « L’immigration doit être stoppée à Mayotte et un plan de résorption de l’habitat insalubre doit être engagée, sans délai », sans évoquer de solution plus rapide ou efficace que les actions déjà engagées par les différents services. Il demande en outre » au gouvernement la constitution et l’envoi immédiat, à Mayotte, d’une mission interministérielle d’évaluation des risques et de définition d’un plan d’urgence ».
L’on retrouve la même construction dans le communiqué du sénateur Thani qui après avoir exprimé ses « condoléances » rappelle que « Craignant la survenue de telles tragédies, Thani Mohamed-Soilihi avait interrogé, le 23 novembre dernier, Madame Annick Girardin sur ce sujet lors de l’audition par la délégation sénatoriale aux outre-mer dans le cadre de l’étude pluriannuelle sur les risques naturels majeurs dans ces territoires, dont le premier volet sera consacré à la prévention et à la gestion de l’urgence. »
L’ancien président du Conseil Départemental Daniel Zaïdani en appelle à son successeur Ibrahim Soibahadine » J’invite le Président du Conseil Départemental de Mayotte à prendre en charge, en urgence, l’enfant rescapé de cette tragédie » exprime-t-il alors que l’enfant survivant a, selon la préfecture, été remis à sa famille. Il conclut « Il en va de l’honneur de la France d’agir en faveur des personnes les plus démunies de notre Département tant sur le plan humain, social ou économique ».
L’actuel président quant à lui en appelle aux services de l’Etat et des communes. « Le Département mobilise en ce moment sa direction de la protection de l’enfance pour s’enquérir du sort de l’enfant de 6 ans, rescapé de cette tragédie. Face aux risques de danger réel pour la population, en cette période cyclonique, le Département invite les autorités de l’Etat et des communes concernées, à prendre les mesures nécessaires pour la protection de la population installée dans ces zones à risques. »
Le maire de Mamoudzou n’a pas émis de message de condoléances, mais un communiqué, déjà envoyé lors de fortes pluies précédentes, dans lequel il « invite les parents ainsi que toutes personnes responsables à s’assurer que leurs enfants sont sous bonne garde, à l’abri d’éventuels dangers ». Une phrase toute faite donc, qui prend une résonance particulière lorsque quatre enfants et leur mère viennent de périr dans l’endroit, leur foyer, où ils auraient dû être le plus à l’abri.
De même la députée LREM Ramlati Ali semblait s’engager en écrivant que « Les constructions d’habitations, de façon illégale, dans des zones à risques sont nombreuses sur ce territoire. Nous ne pouvons plus laisser continuer ce genre de pratiques. » Avant de cibler les propriétaires. « Aussi, j’invite les propriétaires fonciers (institutionnels comme privés) dont les terrains sont occupés sans titre à saisir la justice pour déloger les occupants illégaux. » Cette dernière phrase est issue d’un premier communiqué » erroné et non validé et transmis par erreur » et a été supprimée du second communiqué de la parlementaire.
Sans surprise, en raison de la neutralité qu’imposent leurs statuts, les communiqués les plus neutres restent ceux du préfet Frédéric Veau et de la ministre Annick Girardin. Cette dernière assure que « Les services de la préfecture, en lien avec la mairie de Koungou, sont pleinement mobilisés pour soutenir les populations dans cette terrible épreuve et prendre les mesures qu’imposent l’urgence : évacuation de la zone, sécurisation du site et relogement pour les sinistrés. » et invite la population a respecter les consignes de sécurité.
Y.D.
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