Ils sont passés par une belle porte, mais au moins, pas celle du pénitentier. Deux grévistes de la société MayCo étaient poursuivis ce mercredi en comparution immédiate pour des violences sur trois gendarmes, mardi matin.
L’un d’eux affirmait avoir été mordu, l’autre frappé. Le prévenu accusé d’avoir mordu un gendarme était aussi poursuivi pour avoir refusé un prélèvement sanguin en vue d’établir s’il était porteur d’un virus ou non. Son refus a obligé le militaire à prendre un traitement préventif. Une Trithérapie a même été proposée.
Pour ces faits le chef de ligne et le manutentionnaire sont arrivés menottes aux poignets, mais devant un comité de soutien massif. Pas moins de 45 autres grévistes étaient dans la salle. Le secrétaire de la CGTMa Salim Nahouda était venu aussi.
Les faits étaient partiellement reconnus. Le chef de ligne admettant avoir « poussé un gendarme » mais niant tout coup de poing. Le second admettant une morsure, mais pas deux.
Tout est parti d’une intervention d’un huissier de justice mandaté par la direction de Mayco. Les salariés grévistes venaient alors de souder une des portes de l’entreprise, en condamnant l’accès. L’huissier devait donc, une fois de plus, constater l’entrave. Pris à partie par un groupe de grévistes, le juriste s’est vu dérober une partie des documents qu’ils portait sous le bras, et la scène a nécessité l’intervention des gendarmes. C’est là que les deux prévenus ont été interpellés. Le premier pour son attitude présumée face à l’huissier, le second pour avoir tenté de libérer son collège de l’emprise des militaires.
Une vidéo de la scène a d’ailleurs été présentée à l’audience. Mais celle-ci a fait l’objet d’interprétations diverses des parties. Pour le parquet, la défense avec cette vidéo « s’est tiré une balle dans le pied, on voit le prévenu prendre le bras du gendarme et le mordre. Celui avec le tee-shirt rose, on le voit aller au contact. » Forte de ces éléments, la substitut Emilie Guegan requiert des peines extrêmement lourdes, réclament respectivement quatre mois et six mois de prison pour les deux prévenus, avec mandat de dépôt.
Pour la défense incarnée par Me Ibrahim, la vidéo montre tout le contraire. « On y voir mon client pris à la gorge et saignant de la bouche, on voit aussi qu’il mord une seule fois pour se dégager. » Il demandait enfin la « clémence » du tribunal face aux réquisitions de la procureure.
Après en avoir délibéré, les trois magistrats du siège sont parvenus à un compromis. Les deux grévistes écopent de huit mois de prison, mais avec sursis simple. « Vous mériteriez huit mois, mais on vous laisse une chance » a précisé le président Sabatier.
« Ca arrange un peu tout le monde, soupire le conseil des deux prévenus. Pour consoler le parquet, il remonte la peine à huit mois, mais avec du sursis simple, on a intérêt à accepter » analyse-t-il, excluant « à chaud » de faire appel.
Même constat du côté de Soilihi Midaïn, le délégué CGTMa de la boîte. « Vu comme c’était parti, ça concernait des accusations de violences sur des gendarmes, et sachant que la justice veut parfois faire des exemples, je suis très satisfait de la décision. J’ai eu peur que mes collègues soient transférés à Majicavo. »
Satisfait certes, mais le délégué syndical tient aussi à ce qu’une telle mésaventure ne se reproduise pas. « On va continuer le mouvement, mais il faut qu’on arrive à canaliser nos colères, car la liberté s’arrête là où commence celle des autres. »
Y.D.