La décision était attendue depuis plusieurs mois dans ce feuilleton politico-judiciaire. L’élection de Ramlati Ali au poste de députée de la 1e circonscription s’était jouée dans un mouchoir de poche, Elad Chakrina ayant dans un premier temps revendiqué la victoire avant de se la voir ravir par son adversaire. Tous deux avaient ensuite fait état de fraudes de la part de leur challenger. Elad Chakrina avait finalement saisi le Conseil Constitionnel le 28 juin, lui demandant d’annuler les voix présumées frauduleuses acquises à Ramlati Ali, et de lui décerner le siège de député. Les Sages en ont décidé autrement. Tout en reconnaissant des irrégularités de part et d’autre, ils ont décidé l’annulation pure et simple de l’élection, ouvrant la porte à une législative partielle.
Les Sages ont estimé que les deux candidats avaient fauté en poursuivant la campagne sur Internet le jour du scrutin. » Il résulte de l’instruction que de multiples messages informatiques en faveur des deux candidats présents au second tour de l’élection, ayant le caractère de documents de propagande électorale, ont bien été diffusés les 17 et 18 juin, veille et jour du second tour de scrutin, en violation de l’article L. 49 du code électoral qui interdit, à partir de la veille du scrutin à zéro heure, de distribuer ou de faire distribuer des bulletins, circulaires et autres documents ainsi que, par voie électronique, tout message ayant le caractère de propagande électorale. »
Ils tiennent aussi compte des irrégularités constatées sur les procès verbaux, qui ramènent l’écart de voix de 54 à 27 selon le décompte issu de l’enquête.
« En premier lieu, le requérant, candidat battu au second tour des élections contestées avec un écart de 54 voix, soutient que l’examen des listes d’émargement et des procès-verbaux des opérations électorales révèle des différences dans plusieurs communes de la circonscription entre le nombre de bulletins trouvés dans l’urne et le nombre d’émargements. Il résulte de l’examen de ces listes d’émargement et procès-verbaux que, dans plusieurs bureaux de vote des communes de Mamoudzou, Acoua, Dzaoudzi, Brandaboua et Mtsamboro, le nombre des émargements est inférieur au nombre des bulletins trouvés dans l’urne. Cette différence est au total de 25. Par suite, 25 votes doivent être regardés comme exprimés de manière irrégulière et il y a lieu de déduire 25 voix, tant du nombre de voix obtenues par Mme ALI, candidate proclamée élue de la 1ère circonscription de Mayotte, que du nombre de suffrages exprimés. L’écart de voix entre les deux candidats présents au second tour de scrutin s’établit ainsi à 29.
En second lieu, le requérant avance que le procès-verbal du bureau de vote n° 63 de la commune de Dzaoudzi mentionne qu’une personne ayant voté irrégulièrement, les membres du bureau de vote ont retiré de l’urne, au hasard, avant le début du dépouillement, une enveloppe. Il résulte de la consultation du procès-verbal concerné qu’une personne a effectivement irrégulièrement voté et qu’il a été procédé à la rectification, également irrégulière, alléguée. Dès lors, il convient d’ajouter un suffrage au candidat arrivé en seconde position et d’enlever une voix à la candidate arrivée en tête. L’écart de voix entre les deux candidats présents au second tour s’établit ainsi à 27. »
27 petites voix desquelles il faut retrancher les 40 procurations qui auraient été frauduleusement réalisées par un gendarme de Brandaboua, faits pour lesquels une information judiciaire est toujours en cours.
Dans ces conditions, le Conseil Constitutionnel a estimé qu’il n’était pas possible de trancher en faveur de tel ou tel candidat, et que l’ensemble du scrutin était à refaire.
« Il résulte de l’ensemble de ces éléments que, compte tenu du faible écart de voix entre les candidats présents au second tour, la sincérité du scrutin a été altérée. Dès lors, il y a lieu, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, d’annuler les opérations électorales contestées. En outre, l’impossibilité de déterminer exactement le nombre des suffrages qui doivent être attribués à chacun des deux candidats présents au second tour ne permet pas, en tout état de cause, de faire droit aux conclusions du requérant tendant à ce que le juge de l’élection le proclame élu après correction des résultats. Il y a donc lieu, pour le Conseil constitutionnel, de s’en tenir à l’annulation de l’élection. »
Une nouvelle élection législative partielle devrait donc prochainement être organisée.
Y.D.