« Ce n’est pas le raz de marée auquel nous nous attendions », Yazidou Maandhui est déçu, mais sa détermination reste intacte. Co-organisateur avec le Collectif des citoyens de Mayotte à l’origine du rassemblement de ce samedi matin, qui comptait pas moins de 12 associations. « Nous espérions être au moins autant que lors de la manifestation contre la feuille de route Franco-comorienne », déplore une autre organisatrice, « les Mahorais ne savent pas se rassembler sur une cause utile », commentait un autre.
Certains pointaient la difficulté de rassembler en Petite Terre, mais d’autres rétorquaient que la plupart des manifestants arrivaient de Grande Terre.
Ils étaient 300 à partir du rond point du Four à Chaux, un cortège qui a grossi au fur et à mesure de la marche vers l’aéroport. « Piste longue, une nécessité et non un choix », « N’attendons pas un drame pour agir », des banderoles s’étalaient le long du cortège, « nous ne satisfaisons pas de la seule sécurisation de la piste », lançait une manifestante qui brandissait une banderole « Oui à la piste longue, non au bac à sable ».
On va rallonger à Nantes Atlantique
Aucun parlementaire ni politique dans les rangs des manifestants, si ce n’est Daniel Zaïdani, en quasi-campagne pour les législatives dans la 1ère circonscription, « je reste investi par le MDM qui doit se prononcer dans quelques jours sur la participation aux nouvelles élections ». Il a évoqué il y a quelques jours l’idée de récupération des fonds alloués à Notre-Dame-des Landes.
Une marche pour la défense des intérêts de Mayotte, Mahamoud Azihary, l’auteur de « Mayotte en Sous-France » ne pouvait la manquer : « Je suis là pour protester contre le mépris de l’Etat qui ne veut pas que Mayotte se développe ». A ses côtés l’avocat et ancien candidat aux sénatoriales Nadjim Ahamada et le chef d’entreprise et ancien candidat aux législatives Franck Madjid : « Nos parlementaires ne font que poser la question sur la piste longue sans argumenter vraiment. Aucun n’a jamais fait peur au gouvernement comme un Paul Vergès, par exemple. »
Sur les arguments techniques, Franck Madjid a des solutions : « La population qui habite à proximité de l’aéroport est en danger permanent. Il y a 2 jours, l’avion a tourné plusieurs fois avant d’atterrir à cause des fortes pluies. On nous explique que les appareils modernes auront connu une telle évolution qu’il n’est pas nécessaire de rallonger la piste. Mais pourquoi parle-t-on d’allonger celle de l’aéroport Nantes Atlantique alors ?! »
Méthode pour obtenir des fonds
Dans ce dossier comme dans d’autres, l’Etat donne l’illusion de se pencher sur les problèmes du territoire, en connaissant déjà la réponse finale. Le débat public qui s’est tenu sur la question de la piste longue mobilisant énergies et finances, s’était conclu sur une réponse favorable de la population. « Et avait été validé par le conseil d’Etat qui avait juste émis une réserve sur un type de fougère rare. Une étude devait être menée là-dessus, mais de qui se moque-t-on ?! », s’agace Franck Madjid.
Le 7 mai 2012, le maître d’ouvrage qu’est l’Etat a en effet rendu publique sa décision de poursuivre le projet d’une piste longue adaptée aux vols long-courriers par le lancement d’études complémentaires pour les deux scénarios afin d’en affiner la comparaison, ainsi que le précise le site de la Commission nationale du Débat Public.
Pour Djoumoi Djoumoy Bourahima, président de la CFE CGC, il faut voir plus loin : « Une fois qu’on a constaté que l’Etat n’a pas de projet pour Mayotte, on fait quoi ?! », interpelle-t-il en regardant lui aussi du côté des parlementaires.
Brandissant le drapeau français haut et fort, Yazidou Maandhui met en garde, « c’est une marche gentillette. Si rien ne bouge, nous organiserons d’autres actions plus musclées. » Une gouvernance sous l’enseigne du rapport de force, notamment dans ses outre-mer, c’est en effet une pratique parisienne courante.
Celle qui se fait le plus remarquer, c’est la toute nouvelle et étonnante association Garacisse Maoré qui essaime du tricolore sur le parcours du cortège. Un jeu de mot entre « exercice » et la danse Garacisse, « une danse très ancienne de la marine française aux Comores, que les anciens militaires veulent garder en mémoire », explique son secrétaire Miladji Mnémoi. Il propose des solutions concrètes pour la piste longue : « On sait que tous les fonds ne sont pas consommés, puisque nous n’en avons programmé que la moitié. Utilisons-les pour financer les 15 millions d’euros prévus pour l’étude complémentaire de la piste longue, et inscrivons la construction de la piste à la prochaine programmation européenne ».
Le débat public cette fois était dans la rue, mais demande à être nourri de volonté politique locale.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com