Il s’agit de déroger au principe d’identité législative pour permettre de mobiliser le foncier et faciliter l’aménagement du territoire. Le député Letchimy qui portait la proposition de loi à l’Assemblée nationale, évoquait les « difficultés particulières dans le domaine de la gestion foncière », que connaissent les départements et régions d’outre-mer : « Héritage d’une histoire délicate marquée par les blessures de la colonisation et par l’application plus tardive des lois nationales – la départementalisation de Mayotte ne remonte ainsi qu’à 2011 –, la propriété des terres s’y trouve plus difficile à établir qu’en Europe par le double effet d’une carence de titrement et d’une multiplication des indivisions ».
L’indivision successorale, avec parfois des héritiers nombreux et éloignés du territoire, bloque l’action publique, que ce soit en matière de logement ou de développement économique. On l’a vu à Mayotte sur les retards d’implantation de la 3ème retenue collinaire de l’Ourovéni qui n’a toujours pas vu le jour.
Selon le député Martiniquais, dans son département, « cette paralysie du foncier est de l’ordre de 40 % », et évoquant la commune de Chiconi, « les trois quarts du territoire du village sont englobés dans deux titres fonciers regroupant officiellement soixante-quinze indivisaires ».
La méthode Corse
Il appelle donc à une adaptation législative « permettant de simplifier les procédures et de débloquer l’accès au foncier outre-mer (…) sur le modèle de la démarche engagée il y a quelques mois pour la résorption des désordres cadastraux en Corse ».
S’inspirant de réflexions des ordres des avocats et des notaires outre-mer et d’un rapport universitaire Serge Letchimy propose que toute décision amiable de vente ou de partage puisse se faire à la majorité des propriétaires en indivision, et non plus à l’unanimité comme cela se pratique. Ce qui permettrait de ne plus passer par un juge. Le silence des indivisaires minoritaires vaudrait consentement tacite, « toute opposition de l’un d’entre eux ferait obstacle à la procédure et déclencherait le partage judiciaire ». Un dispositif spécifique qui serait testé sur 10 ans dans les DROM.
Intervention de Mansour Kamardine
Pour le député Mansour Kamardine, c’est un premier pas, qui reste insuffisant, « il ne résout pas les causes de blocage aux politiques d’aménagement », expliquait-il devant ses pairs. Il fustigeait notamment à Mayotte, les droits de succession élevés, les manquements de l’Etat jugé peu interventionniste « sur les occupations illégales des terrains pour préserver l’ordre public », et l’insuffisance d’offices de notaires et d’huissiers, frein à la fluidification des cessions foncière. Il appelle donc à une réflexion approfondie pour traiter « au fond » les causes d’immobilisation foncière.
« Le gouvernement soutient cette proposition, qui a été votée à l’unanimité et qui doit désormais être examinée par les sénateurs », informe Annick Girardin.
Le sénat avait était initiateur de missions sur le foncier en Outre-mer, qui se sont conclues par une étude triennale en trois volets sur le « Foncier rare et sous tension », soulignés par Mansour Kamardine dans son intervention. Nul doute que les sénateurs seront sensibles à cette proposition de loi.
A.P-L.
Lejournaldemayotte.com