L’évolution du financement des projets agricole dépend depuis 2015 des fonds européens. Si selon l’Etude sur le bilan des aides agricoles Mayotte 2016 de la Direction de l’Alimentation de l’Agriculture et de la Forêt (DAAF), le passage d’une logique de « guichet » (versement de somme forfaitaires), à une logique de « projet », est mieux appréhendé, il a secoué le monde agricole en 2016 et 2017.
La première à trinquer fut la Chambre d’Agriculture de la Pêche et de l’Aquaculture (CAPAM), qui reste en difficultés financières, avec un impact direct sur le monde agricole : la structure censée conseiller les agriculteurs sur les types de fonds européens à solliciter était inopérante, laissant un grand vide dans lequel les petites structures auraient pu se noyer. La FDSEAM* elle-même n’est pas au mieux de sa forme, nous explique sa présidente Laïni Mogné Mali : « Nous comptons sur la FNSEA pour nous aider dans nos problèmes financiers, avec 150 adhérents, pas tous à jours de leur cotisation de 20 euros, nous n’allons pas loin ! » Un état des lieux sinistré donc.
L’étude de la DAAF différencie les catégories d’aides. Celles qui sont accordées directement aux producteurs sont en augmentation puisqu’elles atteignent 2,6 millions d’euros en 2016 contre 1,7 million d’euros en 2015. Mais souvenons nous que ces deux années de Politique agricoles communes n’ont été versées qu’en 2017, plongeant les agriculteurs dans les difficultés financières qu’ils avaient dénoncées sur la place publique.
La petitesse de leurs exploitations les a sauvées : « C’est essentiellement de l’autoconsommation, l’aide agricole, c’est la cerise sur le gâteau qui va leur permettre de se doter de petits outillages », analyse Dominique Didelot, Chef du Service Informations et Statistiques à la DAAF.
Des aides sous condition d’impacts sur les prix
Le nombre de bénéficiaires augmente, 1.486 en 2016, ce qui est plutôt rassurant, quand on sait que ce sont les plus gros qui touchent logiquement aux fonds européens, essentiellement parce qu’il n’est pas nécessaire de détenir un justificatif de maitrise foncière des parcelles. Un système qui permet de préserver le « jardin Mahorais ». Portant le montant moyen touché par agriculteur à 1.750 euros par an, pour 1,5ha, soit 10% en plus de son revenu de 10.000 à 15.000 euros annuel, qui comprend son autoconsommation.
En revanche, pour obtenir des aides à l’installation ou à la modernisation, un droit de propriété ou de bail est exigé, et là, le montant des aides accordées est faible, 54,6 millions d’euros. Ce sont donc les installations les plus structurées qui en bénéficient comme le projet d’élevage de poules pondeuses portée par Pierre Baubet, qui va « contribuer à renforcer les capacités de production mahoraises », en prenant le relai de la SCEA MAJWAYI, toujours en difficulté, « ce qui ne permet pas à Mayotte d’être autosuffisante comme c’était le cas il y a quelques années en dehors de la période des grands mariages. » On avait vu que l’autre centrale de production d’œufs, la COMIVA, avait du mal à assurer une production constante.
Enfin, l’appui aux activités d’approvisionnement, de transformation et de commercialisation est stable depuis 2 ans. Il bénéficie essentiellement à l’usine d’aliments du bétail Ekwali, 497.000 sur les 530.000 euros dédiés, pour atténuer ses surcoût liés à l’insularité. Des aides qu’elle doit répercuter sur le prix de vente, « avec un contrôle régulier de LODEADOM, qui permet d’avoir un prix certes plus élevé qu’à La Réunion, mais en diminution avec l’accroissement du volume de vente, que permet notamment Ekwali couvoir ».
Convention avec la gendarmerie
Le bilan est clair : il faut accentuer l’accompagnement aux petits agriculteurs. Là encore, Mayotte a pâti d’une évolution réglementaire qui n’a permis d’activer les opérations de conseil qu’en ce début 2018. Alors que cela relève de sa compétence, on a vu que la CAPAM sous tutelle de la DAAF, n’était pour l’instant pas en mesure de s’y atteler. « Les coopératives comme la COOPAC ou la COOPADEM s’y mettent », elles ont perçues pour cela des aides du CIRAD, 690.000 euros. La DAAF s’y est mise, en dédiant deux agents, l’une installée à Coconi au Point accueil installation, et l’autre spécialisée dans le montage de projets.
C’est une bonne nouvelle : les plus gros projets sont portés par les collectivités qui ont moins de problème de préfinancement que les petits agriculteurs, comme les pistes rurales, dont Mavingoni, ou les forages agricoles pour 24 parcelles.
Pour Laïni Mogné Mali, les petits pourront se structurer que s’ils ont la possibilité d’habiter à proximité de leur exploitation, « nous connaissons trop de vols et d’insécurité, les jeunes de Tsoundzou par exemple prennent mon exploitation pour un terrain de cueillette ». A ce sujet, une Convention est en cours de signature avec la gendarmerie pour des patrouilles sur les zones sinistrées par les vols. Quant aux autorisations de construire en périphérie des exploitations, « nous attendons toujours une dérogation à la loi Littoral ».
Bonne nouvelle enfin, l’Union européenne vient de rétablir un dispositif favorables aux « petits », la cession de créances pour les subventions dans le cadre du FEADER : « La DAAF paie directement le producteur, l’agriculteur n’a donc pas à avancer de somme. » Les engagements (stade antérieur à la consommation) du fonds FEADER était de 49% fin 2017 à Mayotte.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
* Fédération Départementale des Syndicats d’Exploitants Agricoles de Mayotte