Houcine Arfa, ce pourrait bien être un jour le titre d’un film. Barbouze pour les uns, témoin gênant pour les autres, simple criminel en cavale pour les autorités malgaches.
L’histoire rocambolesque de ce ressortissant français a éclaté début janvier, quand a été rendue publique son évasion de Madagascar où il était retenu prisonnier. Arrivé à Tananarive comme « conseiller du président », il a été arrêté pour avoir, selon la justice malgache, projeté de kidnapper ce dernier. Reconnu coupable d’usurpation de fonction et de détention d’armes, il a été incarcéré le 23 juin dernier et jugé en novembre. Le 28 décembre donc, il a profité d’un transfert à l’hôpital pour prendre la poudre d’escampette. Non sans un certain nombre de complicités qui font vibrer l’Etat malgache. Trois agents pénitentiaires sont notamment en détention dans cette affaire, et la ministre la de justice en personne est dans la tourmente. Conduit à Tamatave, il prend alors un kwassa vers Mayotte, d’où il s’envole pour Paris.
Ce vendredi, le Quotidien de la Réunion sort une interview exclusive de l’évadé, qui se défend d’être un « barbouze » mais garde ses zones d’ombre.
Un rôle obscur auprès du président malgache
L’homme se définit comme « conseiller auprès de personnalités ». il aurait notamment travaillé en Afrique pour des « hommes d’affaires et des hommes politiques ». L’homme est ensuite recruté par la présidence malgache en 2015 par « le truchement de conseillers du président (…) on ne tombe pas sur moi par hasard » explique-t-il au Quotidien. Sa première mission est de former la garde rapprochée du président : arts martiaux et maniement des armes sont au programme de cette formation intense. Ce sont d’ailleurs ces armes d’entraînement qui sont retrouvées chez lui lors de son arrestation, et qui motivent en partie son incarcération préventive.
Pendant quelque 18 mois, le « conseiller » forme ainsi la garde rapprochée du président Héry moyennant 17 000€/mois.
Une mission qui « irrite » des proches du pouvoir selon lui. En février 2017, « on m’a demandé de m’occuper de la sécurité des Karana(…) alors qu’il y avait une recrudescence des rapts ». Quatre mois plus tard, « du jour au lendemain », il est arrêté par « une trentaine de policiers ». Selon lui, l’opération fait suite à une plainte d’un homme qui « cherche à être réhabilité auprès du pouvoir ». Outre les armes démilitarisées, la police saisit quelque 120 000€ en liquide chez Houcine Arfa. Une somme mise de côté « pour mon épouse » qui souhaitait ouvrir « un institut de beauté ». Le 7 novembre, c’est le procès. « En trois minutes le juge a prononcé ma condamnation » dénonce l’intéressé qui dénonce « une vraie comédie ». Un appel était prévu le 9 février prochain.
Mais pas question d’attendre jusque là. Rencontrant « des intermédiaires » en prison, il verse 20 000€ à « un certain Jonathan ». Concernant les 70 000€ qu’il est soupçonné d’avoir versés à la ministre de la justice, l’homme élude. « Je n’ai jamais rencontré la ministre de la Justice en personne, et je ne lui ai jamais remis 70 000€ en mains propres.
Un kwassa pour Mayotte
Les 70 000€ seraient le total de ce que le détenu a dû verser pour « des transferts médicaux ». Dès lors, l’évasion relève d’une organisation millimétrée.
C’est sur le parking de l’hôpital que deux hommes « à bord d’un gros 4×4 aux vitres fumées » demandent aux gardes de « tourner la tête » et emmènent le détenu. Suivi par des hommes à lui, il finit par échapper à la surveillance des deux hommes du 4×4 et passe tous les barrages jusque Tananarive puis Mahajanga àù il retrouve son épouse. De là, il embarque sur un canot, rame deux heures avant de monter à bord d’un kwassa à moteur, direction Mayotte. « Une dizaine d’heures de traversée » à écoper et l’homme et sa femme débarquent « sur une plage ». Sans vouloir dire qui l’a aidé dans cette traversée, il précise avoir « évité les garde-côtes ». « On a fait du stop jusqu’à un hôtel et le lendemain, enfin je crois, on est allé à l’aéroport pour prendre un avion direction Paris après une escale à la Réunion ».
Désormais en métropole, l’évadé explique avoir encore « peur d’être arrêté », même si dit-il, « je ne suis pas un fuyard, j’ai été kidnappé, jeté en prison et torturé ». Il dit se tenir à disposition des autorités françaises » mais j’ai l’impression qu’on ne veut pas m’entendre, parce que je gêne le pouvoir malgache ? »
Une gêne qui serait selon lui à l’origine de toute cette aventure. « Je gêne le pouvoir, j’ai des éléments, je sais énormément de choses » conclut Houcine Arfa.
Fin communiquant, aussi bavare que mystérieux, Houcine Arfa a confié la défense de ses intérêts au ténor du barreau Franck Berton.
Y.D. avec le Quotidien de la Réunion