Il y a des stratégies de défense qui marchent mieux que d’autres. Se toucher l’entre-jambe en regardant ailleurs tandis qu’un juge vous pose une question devrait figurer dans un top 10 des plus mauvaises idées au tribunal.
C’est pourtant ce qu’a fait un prévenu vendredi en comparution immédiate. « Devant les juges vous vous touchez les parties génitales, vous vous croyez où ? a hurlé le président, on ne vous a jamais dit que ce n’était pas poli ?
« Je ne savais pas » s’est excusé le prévenu.
Lui et son co-prévenu étaient poursuivis pour avoir piloté un kwassa en provenance d’Anjouan. A bord de la barque interceptée par la PAF, seulement quatre personnes, mais une cargaison impressionnante qui lui a valu le surnom de « douka kwassa ». Les deux hommes étaient donc poursuivis pour entrée irrégulière en France, mais aussi détention, importation et transport de stupéfiants en raison des 10 kilogrammes de bangué que transportait l’embarcation. D’importation non déclarée de tabac (12 kilos à bord), de détention de médicament sans justificatif, en l’occurrence du Diproson, une crème corticoïde utilisée pour blanchir la peau, mais qui est extrêmement dangereuse si appliquée sur le visage. Enfin on leur reprochait l’importation de contrefaçons, notamment 12 paires de chaussures Nike contrefaites.
Outre l’anecdote des parties génitales, le procès semblait mal parti. Les deux avocats, Me Mattoir et Me Andjilani ont tenté de faire valoir des exceptions de nullité, sur des éléments de procédure.
Une relaxe, un mandat de dépôt
« On a du début à la fin de la garde à vue trois interprètes qui interviennent, aucun n’a prêté serment, argue Me Mattoir. » Elle ajoute qu’il figure sur les procès verbaux le nom d’un interprète « qui est hors territoire depuis lundi, je ne vois pas comment il a pu intervenir en garde à vue. » A ce titre, les avocats ont demandé la nullité des auditions. « Les déclarations ont pour moi pu être fabriquées de toutes pièces » a lancé Me Andjilani.
Le procureur Rieu a répliqué du tac-au-tac pour demander le rejet de cette requête au motif que l’article invoqué par les avocats n’est « pas applicable à l’enquête de flagrance ». Il rappelait aussi que la réalisation d’un faux par une personne dépositaire de l’autorité publique est un crime passible de la Cour d’Assises. Comme pour dire que ce n’est pas une accusation à lancer à la légère.
Le procès a finalement bien eu lieu. Le procureur avait réclamé des peines de 12 mois et 24 mois de prison ferme contre les deux passeurs présumés. L’un d’eux a été relaxé de l’ensemble des faits, sauf l’entrée illégale sur le territoire, et condamné à… trois ans d’interdiction de territoire. Il a été conduit au CRA dans la foulée.
Le second a été reconnu coupable de l’ensemble, sauf pour les chaussures dont il n’a pas été prouvé qu’il s’agissait de contrefaçons. Malgré la drogue, les cigarettes et le Diproson, il n’écope que de six mois ferme, mais avec mandat de dépôt. Il est donc parti à Majicavo.
Considérant l’expulsion d’un des deux prévenus, le parquet a jugé « sans intérêt pratique » de faire appel de la décision.
Y.D.