Les forces de l’ordre sont intervenues très tôt ce matin, vers 5h selon les grévistes, et massivement puisque plusieurs camions de gendarmes se sont positionnés des deux côtés de la route en Vallée III. Lors de l’opération, les gendarmes ont détruit ce que les grévistes dénommaient leur banga, un abri qui leur sert de refuge depuis qu’ils ont lancé le mouvement le 27 octobre.
Les forces de l’ordre sont d’ailleurs aussitôt reparties, laissant grévistes et non grévistes perplexes, « ils ont très vite quitté le site, sûrement pour avoir été appelés ailleurs en urgence », suggéraient les premiers, alors que les seconds s’inquiétaient, « ils nous laissent avec des grévistes qui sont remontés ! ».
Sortie de camions bloquée
Mais des grévistes qui se voulaient rassurants lorsque nous sommes passés sur le site vers 9h30, « nous laisserons reprendre l’activité, et nous ne ferons rien contre les non-grévistes », nous certifiait Wardat Ahmed, Déléguée du personnel, et comptable de la société. Donnant leur position : « Nous souhaitons rencontrer les actionnaires, car nous ne croyons pas aux menaces de fermeture de l’entreprise. J’ai les données comptables, et même si il y a eu moins de recettes que de dépenses depuis 3 mois, elle n’est pas en difficulté ».
Sans salaire, les grévistes survivent grâce à des « dons de personnes de passage », « un peu de la CGT », mais peuvent aussi compter sur de la solidarité familiale, « surtout sur les conjoints qui travaillent. »
Pendant ce temps, une salve de camions est sortie, à moitié chargée de packs de bouteilles de Coca, pour revenir charger à l’usine, sous les yeux de l’huissier. Mais alors qu’il est apparemment parti, quelques minutes plus tard, c’est le blocage, « soit nous travaillons tous, soit personne », lâche Midaïn Soilihi, délégué syndical CGT Ma, « nous bloquons donc la sortie des camions. »
Les tensions se nourrissent du conflit
La revendication syndicale s’est muée en une tension croissante envers les non grévistes, que nous explique une salariée, « parmi nous, 14 salariés n’avaient pas eu de revalorisation de leur SMIG demandée pendant 3 ans. Et c’est par cette direction des ressources humaines qu’ils apprennent qu’ils vont être licenciés ». Une colère qui se nourrit uniquement du conflit social, puisque la direction avait finalement approuvé les avancées salariales, mais sans pour autant faire de concessions sur les sanctions liées aux dérapages oraux et physiques qui se sont produits.
Le juge des référés du tribunal de grande instance a décidé le 17 novembre 2017 du concours de la force publique pour libérer l’accès à l’entreprise en raison des entraves à la liberté du travail et à la liberté d’aller et de venir. Le préfet indique dans un communiqué ce lundi avoir jusqu’à présent « toujours privilégié une solution passant par le dialogue social ».
Mais l’ultime rencontre dans le cadre de la Commission de conciliation des conflits qui s’est tenue le 1er février dernier s’étant soldée par un échec, le préfet a décidé d’utiliser la force publique ce lundi « afin de libérer les accès de l’entreprise ». Une opération qui reste un échec donc, à en croire le résultat actuel, l’activité de l’entreprise étant à nouveau stoppée.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com