Sport de haut-niveau : pour y arriver, soignons le « sport de petit niveau »

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Ibrahim Soula appelait le conseil départemental à s'investir dans le secteur sportif
Ibrahim Soula appelait le conseil départemental à s’investir dans le secteur sportif

« Avant de parler de sport de haut-niveau à Mayotte, ne pourrait-on pas commencer à regarder comment survit le sport de petit niveau ?! » La remarque vient de quelqu’un qui a le franc parler dans les gênes, Ibrahim Soula, président de l’association Basket club d’Iloni, frère de l’économiste et financier Ali Soula, et de feu Maoulida Soula, ancien président du Sieam.

Son intervention résume peu ou prou la tournure des débats de ce mardi qui visaient à lancer l’installation d’un CREPS, Centre de Ressources, d’Expertise et de Performance sportive, à Mayotte. Il est destiné à accompagner les sportifs de haut niveau dans leur double projet sportif et scolaire ou professionnel et peut les héberger en internat.

Mais justement, de sportifs de haut niveau, Mayotte n’en compte aucun, assène David Hervé, le conseiller d’animation sportive de la Direction de la Jeunesse, des sports et de la Cohésion sociale (DJSCS), « il faut être inscrit sur une liste du ministère des Sports et remplir certaines conditions. Fayzat Djoumoi est bien Mahoraise et championne d’Europe de basket, mais elle est inscrite à l’INSEP*  ». Grand silence et consternation sur les bancs de l’hémicycle du conseil départemental…

Deux terrains synthétiques et deux gymnases qui fuient

David Hervé rappelait les nombreux freins de l'accès au sport de haut-niveau
David Hervé rappelait les nombreux freins de l’accès au sport de haut-niveau

A cela plusieurs raisons, selon l’expert en encadrement sportif : « Le plus souvent, les parents sont frileux à Mayotte à l’idée de laisser partir leurs enfants. Mais aussi, devenir sportif de haut niveau, c’est se contraindre à des horaires. Je me souviens d’un jeune aux capacités physiques étonnantes qu’on voyait déjà comme le futur Usain Bolt, mais qui n’arrivait pas à s’astreindre à un entrainement régulier. »

Les problèmes sont tellement nombreux, que, comme Ibrahim Soula, on se demande comment envisager de regarder plus haut, quand il n’y a rien pour mettre sous la semelle des sportifs. Les infrastructures insuffisantes, « nous n’avons que deux terrains synthétiques sur l’ensemble de l’île, et avec 2 gymnases qui fuient,  comment fait l’entraineur quand il se met à pleuvoir ? Les BCM et Vautours qui remportent toutes le victoires y compris à La Réunion, s’entrainent sur des terrains minables ! Donnez-nous des moyens », s’adressait-il au président du conseil départemental Soibahadine Ibrahim, instigateur de cette journée consacrée au sport. Il en était remercié d’ailleurs, « cela nous permet de poser enfin les problèmes. »

Plusieurs autres freins étaient pointés par l’ensemble des participants, « avec le niveau de formation de nos dirigeants sportifs, doit-on parler de sport de haut niveau ou déjà tendre vers un réel développement du sport ? », « il faut une structuration des ligues et fédérations, on trouve parfois au sein d’une même commune beaucoup de clubs sur la même discipline », « nous n’avons pas un niveau de compétition qui permette à un jeune d’évoluer »

Évolution des moyennes scolaires avec les résultats sportifs

Il faut mettre l'accent sur l'encadrement pour les dirigeants sportifs
Il faut mettre l’accent sur l’encadrement pour les dirigeants sportifs

Les deux filières offrant des possibilités de viser plus haut, ont été mises en place par la Direction de la Jeunesse et des sports et par le vice rectorat. Le premier est issu du projet Jeunes talents mahorais, initié en 2013 par la DJSCS, qui a permis à des jeunes mahorais d’intégrer le dispositif réunionnais d’accès au sport de haut niveau.

Et depuis 2016, deux sections sportives ont été ouvertes au lycée de Dembéni pour les jeunes filles, avec internat, « qui offre des services proches du CREPS, avec encadrement sportif, scolaire, et bientôt médical, détaille David Hervé, et toutes sans exception ont vu leur moyenne scolaire grimper. Le 9 de moyenne sur 20 de l’une d’elle menaçait de la faire sortir du dispositif, elle est revenue à 14, car elle rêve de devenir handballeuse professionnelle ».

De tous ces maux, ne choisissons pas le moindre, « c’est l’encadrement qui est le principal écueil au développement du sport de haut niveau à Mayotte, au niveau des compétences sportives et techniques. »

Comme le résume Zaïdou Tavanday, membre du cabinet du président du CD, il ne faut pas viser trop haut, « faire du haut niveau en Outre-mer, c’est compliqué. Commençons par initier des parcours d’excellence. » Et créer comme le demande David Hervé, une culture sportive, qui pourra même déboucher sur le développement de filières commerciales.

Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com

* L’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance,

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