Mardi soir, un bus a de nouveau été caillassé à Mtsapéré, provoquant la suspension du ramassage scolaires le lendemain. A Kahani, une horde de jeunes agressifs a incité le personnel à faire valoir son droit de retrait depuis le 20 janvier. Affrontements entre jeunes, caillassages, le phénomène se répète et on comprend que, vu de métropole, l’attractivité de Mayotte en prenne un coup.
Ce mercredi soir à Sada, le Collectif des Citoyens Vigilants et Révoltés de Mayotte (branche de Sada), le CIVIREVOS, organise un grand débat public autour du thème « Comment vaincre ensemble la délinquance ? » Dimanche, c’est la police nationale qui, par son bureau Partenariat et prévention, tente une coopération qui avait marché en son temps, en impliquant les autorités religieuses (cadis, imams, foundis), les associations et les parents référents du quartier. Se souvient-on de l’intervention d’El Mamouni Mohamed Nassur, alors porte-parole des cadis, qui en une rencontre, avait apaisé le feu entre Majicao Dubaï et Kawéni ?
On ne sait pas pourquoi les cadis ont été écartés de la sphère d’apaisement des tensions sociales, et pour guérir cette société des maux qui sont en train de la ronger, on n’entend parler que de forces de l’ordre, de prison ou de procureur. Or, comme le disait le capitaine Chamassi du temps où il exerçait encore au Commissariat, « l’Etat n’enfante pas ! » Et ne faire que pointer les mineurs isolés comme excuse ne va pas faire avancer le débat.
Des jeunes en TIG dans les bus
Nous n’aurons de cesse de le répéter, c’est en touchant systématiquement les parents d’enfants délinquants qu’un cercle vertueux pourra se créer, et rendre marginale l’action de ceux qui n’en ont pas. Le collectif CIVIREVOS a pointé l’attitude salvatrice : un contrôle des sacs, et, sous-entendu, du comportement de leur progéniture, par les parents, qui, en cas de laxisme, se verraient « exclus de la communauté villageoise ». Des parents qui devraient aussi se voir sanctionnés par la justice, en étant financièrement solidaires des dégâts commis par leurs jeunes dans les logements ou les bus. Il faut donc identifier précisément ces jeunes perturbateurs.
Des parents qui se disent dépossédés de leur autorité par le juge, en craignant des représailles pour fortes sanctions. Nous sommes en effet passés d’une société où l’on attachait les enfants pour éviter qu’ils commettent des bêtises, à celle où les châtiments corporels sont prohibés. D’un extrême à l’autre. Alors, une dérogation « fessée ou gifle » à Mayotte ?
Le même collectif avait sollicité les maires pour encadrer les communautés villageoises. La condamnation des jeunes délinquants aux TIG, Travaux d’intérêt général, relève aussi de leur pouvoir. Plusieurs association sont à même de les encadrer, encore faut-il qu’elles reçoivent des subventions de leur maire. « Quelques jeunes qui ont caillassé nos bus sont en TIG chez nous », se félicitaient la semaine dernière les transporteurs.
Des Assises de la prévention
Quelques actions qui ne font que tenter de réparer les pots cassés. Mais la prévention ne doit pas être oubliée. Plusieurs structures y travaillent, et pas seulement celles qui ont pignons sur rue, pour ne citer que l’association Espoir et réussite à Mamoudzou, les référents de parcours en Petite Terre, ou l’Ecole du civisme, également sur Mamoudzou, mais appelée à s’installer en Petite terre, à Tsingoni et à Doujani, entre autre. Des résultats probant, qui ont évité aux jeunes une déscolarisation certaine, mais encore faut-il que ces associations soient repérées et sérieusement épaulées.
Les mairies organisent depuis peu, à l’initiative de la préfecture, des réunions mensuelles de sécurité et de prévention de la délinquance. Elles portent leurs fruits dans les communes qui s’y attèlent avec sérieux, comme à Chirongui où elles ont contribué au démantèlement d’une filière de drogue. L’une d’elle est d’ailleurs au programme à Sada ce jeudi, où plusieurs associations, dont des parents, et des responsables religieux sont conviés.
Mayotte aurait besoin d’Assises de la prévention de la délinquance, où toutes les structures préventives ou curatives seraient répertoriées, en hiérarchisant les priorités et en planifiant une organisation adaptée au besoin du territoire.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com