La journée de samedi s’est inscrite sous le signe du rassemblement à Kawéni. Dans le quartier Bandrajou, des habitants de six autres quartiers se sont retrouvés pour un voulé géant. Cette rencontre est un des fruits de la mobilisation populaire initiée en novembre et décembre, qui a donné lieu à un couvre feu et un partenariat solide avec la police nationale et la mairie.
Début février, des actions de la police dans ce quartier semblaient prouver que le travail conjoint du Bureau partenariat et prévention (BPP) de la police, de la ville et du Collectif contre la délinquance à Kawéni, portait ses fruits.
Ce qui n’a pas manqué d’inspirer les quartiers voisins, jusqu’à Sogéa et Vétiver, qui se sont retrouvés pour élargir le mouvement. « Bandrajou, ça a été une vitrine, d’autres quartiers ont voulu suivre le mouvement, explique
le président du collectif. Une partie de Kawéni s’est réveillée notamment suite aux affrontements de la semaine dernière. Certains croient encore que les choses vont se faire tout seul mais l’union fait et fera toujours la force. »
Le voulé de samedi à Bandrajou était donc l’occasion pour des représentants des quartiers alentours se se retrouver pour se structurer et grossir le collectif. « Il faut que tout le monde sache que le mouvement ne s’arrête pas et gagne du terrain » insiste le président qui dénonce « un truc de fou » en parlant des « violences commises par des enfants de moins de 15 ans ». « L’idée c’est que toute personne membre d’une association de quartier qui demande à rejoindre le mouvement puisse faire appel au Collectif de lutte contre la délinquance en cas de problème » poursuit-il.
Si l’idée fait des émules, Hithouwane Ibrahim reste vigilant face à deux vents contraires. D’abord des associations qui veulent rejoindre le collectif pour ensuite assurer la sécurité de leur propre quartier, avec un risque de création de milices locales. « Dans chaque quartier, un sage et un référent suffisent. Avoir une sécurité propre à chaque quartier n’est pas la solution, je préfère que chacun soit responsable de soi tout en gardant un oeil à côté. »
Ensuite, il y a ceux qui ont peur du collectif. Soit parcequ’il risque bien de bousculer les habitudes de quelques voyous, soit au contraire par peur que ces derniers n’ engagent des représailles. « Des gens qui sont contre ce mouvement me menacent, mais il doit perdurer pour redorer le blason de ces quartiers. Tous les gens qui viennent de Kawéni sont stigmatisés par cette délinquance. »
Parole contre omerta
Mais selon lui, la peur des représailles ne doit pas arrêter les bonnes volontés. « Le Prophète aussi s’est fait insulter et caillasser car il voulait apporter la paix, et c’était dans tout un pays. On demande juste à porter la parole des quartiers. Notre travail, ce n’est pas de nous battre mais de parler avec les gens, il ne faut pas avoir peur. On peut même être acteur en restant chez soi, avoir l’initiative de voir ce qui se passe, c’est déjà agir, c’est un bon mouvement. Si on ne parle pas, on est soit victime, soit complice. Et à force d’être complice, on finit toujours par être victime à son tour. »
Afin de veiller à conserver une ligne commune sur les actions préventives des membres de plus en plus nombreux du collectif, celui-ci, qui vient juste de recevoir son numéro Siren, marquant son statut d’association officielle, s’est doté d’une charte. « On y prévoir la création d’un comité de surveillance et de pilotage, mais aussi que chaque quartier qui nous rejoint présente cinq représentants afin que chacun fasse remonter les infos. »
Fort de son succès, le président du collectif se projette dans un avenir espérons-le pas si lointain. « Quand tout sera mis en place, il y aura une bonne tranquillité, ça va beaucoup aider les gens. A termes il faut que le collectif ne soit plus que contre la délinquance » espère-t-il, envisageant déjà des actions sociales et d’aide à l’emploi.
Y.D.