La visite du président du parti Les Républicains pour soutenir le candidat à la législative Elad Chakrina aura donné à cette question un écho supplémentaire jusqu’à Paris. On peut se demander si Laurent Wauquiez, leader d’opposition, est le porte-parole idéal ? En tout cas, il aura drainé autour de lui suffisamment de journalistes pour que le télescopage des deux évènements, l’élection législative partielle et la mobilisation contre l’insécurité, soit amplement relayé. « Une situation explosive », « Mayotte est abandonnée par Macron », a-t-il répété devant les caméras.
Mais que fait le gouvernement ? Ce n’est un scoop pour personne, Paris n’entend que le chaos. L’intersyndicale et le collectif ont donc haussé d’un ton ce mardi, bloquant totalement Tsararano, et surtout, le port de Longoni. Si aucun navire n’est actuellement en approche, les marchandises ne peuvent en sortir, et la pénurie va forcément gagner.
Depuis 3 semaines que les transporteurs scolaires ont déposé leur droit de retrait, le Plan de sécurisation des établissements et des transports scolaires n’a été proposé par la ministre qu’il y a quelques jours. Pourquoi ce délai ? Concocté par le préfet Frédéric Veau, on y lit entre autre un renforcement des moyens, notamment de 40 médiateurs et 15 surveillants supplémentaires. Une annonce qui aurait sans doute pu calmer les esprits il y a quelques semaines, mais qui se sont échauffés depuis.
Mayotte laboratoire de l’insécurité
Sur le barrage de Tsararano où il s’était rendu ce mardi matin, Laurent Wauquiez a été interpellé par un manifestant, le jour même où Emmanuel Macron présentait à Agen sa « refondation » pénale : « Pourquoi les magistrats laissent-ils en liberté des délinquants qui ont été attrapés le jour même ?! » Le politicien faisait remarquer justement, que Mayotte porte sur un petit territoire les maux les plus importants que la société française va devoir régler à son échelle : « Si l’immigration n’est pas réglée ici, si l’insécurité, n’est pas réglée ici, comment le faire sur le plan national ! » Souvent taxée de laboratoire des évènements sociaux, Mayotte aimerait l’être pour le meilleur et non pour le pire.
« L’Etat capitule à Mayotte, je ferai tout pour qu’elle reste département français », annonçait-il notamment sur le barrage, « surtout que ses habitants ont renouvelé leur choix d’être français à 4 reprises ». On se souvient du questionnement du président Macron sur le statut de 101ème département, « Mayotte est-elle plus heureuse en étant un département ? ». Augurait-il d’une révolution en marche ?
Une Conférence sur l’avenir de Mayotte
La réponse du député Mansour Kamardine avait alors fusé sur la nécessité de donner au département les moyens d’être heureux, renforçant l’analyse de la Cour des Comptes qui avait dénoncé un pilotage « défaillant » de la départementalisation par l’Etat en 2011, (sous la présidence Sarkozy), et par la suite, une absence de « comités de suivi périodiques, que ce soit au niveau central ou déconcentré », (sous la présidence Hollande).
Une patate chaude qu’on se refile qui ne coute pourtant cher qu’en reconduites à la frontière. « La France est plus belle et plus grande avec des départements comme La Réunion et Mayotte », évoquait ce mardi matin Laurent Wauquiez. Mais qui pour s’y investir ?
Laurent Wauquiez nous avait informé d’une question posée par les députés LR, au gouvernement à l’Assemblée nationale ce mardi. Destinée à la ministre Annick Girardin, qui n’a que peu apprécié cette mise en cause, « oui, nous devons assumer cet héritage », rétorquait-elle. Elle annonçait prendre « dans les heures qui viennent » avec le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb « d’autres types de mesures ».
Surtout, la ministre rejoint notre propos en s’interrogeant, « quel est l’avenir de Mayotte? » revenant sur l’insuffisant accompagnement des gouvernements précédents sur la départementalisation de Mayotte. Une Conférence sur l’avenir de Mayotte sera ouverte, annonce-t-elle, mais après avoir « remis la sécurité et dans le calme », prévenait-elle accusant Laurent Wauquiez d’avoir « mis de l’huile sur le feu ».
En tout cas, si les législatives partielles parviennent à se tenir, il faut pour Mayotte un député qui sache porter haut sa parole, mais sans se mettre à dos des ministres qu’il faudra brosser dans le sens des poils.
En attendant, le gouvernement joue-t-il un pourrissement bien peu probable, comme ailleurs en France, ou faut-il y voir un mauvais signe de son implication dans le développement de notre territoire ?…
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com