Alors que les barrages se poursuivent pour dénoncer l’insécurité sur l’île et réclamer un émissaire du premier ministre, la justice peine à condamner.
En cause, les barrages qui ne laissent pas passer les avocats du barreau de Mayotte. Bloqués aux quatre coins de l’île, ainsi parfois que leurs clients, les robes noires sont contraintes à demander des renvois d’audience aux magistrats, notamment par e-mail.
Ainsi l’audience correctionnelle collégiale de mercredi n’a-t-elle retenu presque aucune affaire. A l’exception d’un homme jugé pour consommation et détention de cannabis. Les trois prévenus poursuivis pour des outrages à magistrat sur Facebook en fin d’année ont vu leur procès renvoyé une nouvelle fois, au 30 mai prochain. La prescription des délits de presse impose de trouver une date dans les trois mois.
D’autres affaires pénales ont été renvoyées au 4 juillet, au 11 juillet, et même au 5 septembre.
Aux Assises également, des procès ont dû être renvoyés à des dates ultérieures dont une pour meurtre. Une affaire de viol présumé sur personne vulnérable a toutefois pu être jugée ce mercredi. Une autre, pour viol, devrait se tenir ce vendredi, mais sans l’avocat de la partie civile qui est à la Réunion et dont le client, coincé dans son village, risque de ne pas pouvoir y aller.
Alors, le tribunal est-il paralysé comme le sont les établissements scolaires ? Pas vraiment. La juridiction continue à fonctionner, assure un magistrat. Les dossiers sont traités autant que faire se peut, avec le manque chronique de greffiers que connait le tribunal de Mamoudzou. Ainsi les gardes à vue suivies ou non d’un déférement peuvent se dérouler sans l’avocat. « La règle procédurale c’est que les avocats ont deux heures pour venir quand l’individu est interpellé. S’il n’est pas là on établit un PV de carence qui est remis au procureur, c’est un cas de force majeure qui n’abîme pas la procédure » explique le syndicaliste Thierry Lizola du commissariat de Mamoudzou. « Pour les gardes à vue, certains avocats y vont mais pas souvent » complète le bâtonnier Ahmed Idriss.
Ce sont donc principalement les audiences qui pâtissent directement du mouvement social. Les audiences mais aussi du coup, les cabinets d’avocat.
» Les barrages ont des conséquences certaines sur le fonctionnement des cabinets d’avocats. Tous ceux qui n’habitent pas sur la commune de Mamoudzou sont fermés » regrette Ahmed Idriss qui évoque une activité réduite. « Dans ces conditions les juges prennent l’initiative de renvoyer les dossiers. Cela a des répercutions car on (les avocats) attend des paiements de facture, des dossiers nouveaux qui n’arrivent pas. » Le bâtonnier souligne une « grosse baisse de chiffre d’affaire des cabinets ».
Mais quand les avocats sont freinés, ce sont leurs clients qui sont surtout pénalisés. « Ca pose un problème car les justiciables ne sont pas épargnés », poursuit-il. Il évoque la colère de personnes convoquées qui voient l’affaire renvoyée car l’autre partie n’a pu venir. Dans ce contexte, des prévenus ne sont plus condamnés en temps voulu, et les victimes doivent faire preuve d’encore plus de patience.
Y.D.