Bilan économique 2017 : l’embellie a précédé l'embolie

Consommation, emploi, perspective d’investissement… les principaux indicateurs économiques n’avaient jamais été aussi uniformément au vert qu’en 2017, confirme la synthèse de l’IEDOM de l’année. Stoppés net par la crise de ce début 2018, ils ne retrouveront leur couleur qu’avec des investissements à la hauteur, à la fois des dégâts commis sur les entreprises, et des besoins du territoire.

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Il faut arrêter de dire qu’il fait beau à Mayotte ! En février dernier nous avions titré « Nette amélioration du climat des affaires au 3ème trimestre 2017 », le chargé d’études économiques de l’Institut d’Emission des Départements d’outre-mer (IEDOM) commentait d’ailleurs le bond spectaculaire de cette embellie des affaires, « du jamais vu ! » Et quelques jours après, c’était l’embolie…

En 2017, le retournement favorable de la conjoncture, après l’attentisme de 2016, s’est appuyé sur une consommation des ménages toujours solide et un retour des investissements, permettant aux chefs d’entreprise de retrouver progressivement confiance. L’indicateur du climat des affaires s’est ainsi timidement relevé, avant d’accélérer au troisième trimestre 2017, « atteignant son plus haut niveau historique, +15 points au-dessus de la moyenne de longue période », rappelle l’IEDOM dans sa note annuelle (Lire Portrait economie de mayotte synthese 2017)

L’indicateur du climat des affaires au top en 2017

Évoluant dans un environnement de stabilité des prix, +0,4 % en 2017, la consommation des ménages et l’investissement des entreprises ont tiré vers le haut les importations. On peut dire que ce maintien de la consommation est la colonne vertébrale de l’économie. Qu’on ne peut s’empêcher de relier à la croissante indexation des salaires des fonctionnaires qui a atteint ses 40% en 2017.

Les chefs d’entreprise du commerce bénéficient de ce maintien de la consommation, et on note « une volonté d’investir de la part des commerçants, et ce pour la troisième année consécutive ».

Le BTP ne va pas, l’industrie non plus

Un regain de confiance qui rejaillit sur les importations +7,4 % après +3,0 % en 2016. Cette propension à l’investissement concerne l’ensemble des secteurs, à l’exception de l’industrie agroalimentaire et du tourisme, « qui se caractérisent par des perspectives d’investissement volatiles ». Le signe d’une économie encore fragile, pourrait-on en déduire

Le marché de l’emploi progresse dans sa « formalisation » après une relative stabilité en début d’année. En 2017, le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A inscrits à Pole emploi accélère +9,4 %, mais comme le faisait également remarquer l’INSEE, le taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT), recule en 2017 après deux années de hausse importante, -1,2 point, et s’établit à 25,9 % de la population active. Davantage de personnes ont un emploi, mais le nombre d’emploi créés reste insuffisant par rapport à la demande, bien qu’il ait augmenté, +3.500 emplois en 2017 contre +1.200 en 2016.

L’examen des secteurs d’activité renforce cette impression de fragilité au sein de l’embellie de 2017 : activité en berne pour l’industrie agroalimentaire, comme pour l’industrie en général, d’ailleurs, malgré la volonté d’investissement bien orientée dans ces deux secteurs fin 2017.

Et toujours le problème des délais de paiement

Si le BTP penne à reprendre son souffle, notamment en raison de « la volatilité des charges et des délais de paiement », « tout comme les problèmes de trésorerie qui en découlent », c’est comme en 2016 le secteur privé qui tire péniblement la tendance vers le haut : « Les commandes issues du secteur privé sont de plus en plus fréquentes et permettent ainsi au secteur d’y trouver une source d’activité fiable. » Ce qui invite à soutenir doublement celles qui ont trinqué pendant le crise de mars 2018.

Le tourisme était de toute façon éteint

Nous avons vu que les bons résultats de la consommation des ménages sont le moteur de l’activité du secteur du commerce, ce qui ne bénéficie pas aux services marchands qui constatent un recul, et « restent pessimistes quant à la pérennisation de leurs affaires, cet effet est d’autant plus marqué en fin d’année étant donné les prévisions défavorables concernant 2018 ».

La liaison directe avec l’arrivée des Dreamliner, a boosté l’activité de l’aérien

Quant à la filière des poissons d’élevage, elle reste en berne, tant qu’un modèle rendant compatible les besoins et les capacités du lagon n’aura pas été fixé.

Les légères avancées dans le secteur du tourisme résident dans le développement du trafic aérien, et notamment sur l’évolution du nombre de passagers qui croît de 17,8 % en 2017, notamment avec l’arrivée des lignes directes entre la métropole et Mayotte, ainsi que de nouveaux concurrents, l’activité aérienne est vigoureuse. « Le nombre de mouvements de vols, en baisse de 24 % par rapport à 2016 traduit un taux de remplissage des avions de plus en plus robuste ».

Un tableau globalement positif, qui n’incite pas à se tourner vers 2018, que l’IEDOM juge sans trop se gratter la tête de « très incertaine », en raison du « mouvement social général en début d’année, qui a entrainé le blocage d’une bonne partie de l’activité économique du département et une crise de trésorerie sans précédent pour les entreprises. »

Petit avertissement des économistes de la maison : « Au-delà du règlement des questions, essentielles, relatives à la sécurité des biens et des personnes et à la mise à niveau des infrastructures de base (santé, éducation, formation professionnelle, etc.), il est attendu, des différentes parties prenantes, des initiatives en matière de développement économique et d’amélioration du dialogue social au sein des entreprises, qui sont autant de défis pour un retour de la confiance à Mayotte. »

Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com