Poignardé car il venait d'un autre village : "les Mahorais s'entre-tuent"

En 2016, des jeunes de Dembéni ont failli tuer un camarade de classe habitant Tsoundzou. Reconnu coupable de vol avec arme, un des auteurs vient d'être condamné à un an de prison ferme.

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Au tribunal de Mamoudzou

« Tranquille, c’est permis  de tuer à Mayotte » s’exclame le président du tribunal Laurent Sabatier au prévenu qui ne tient pas en place à la barre.
Jugée au tribunal correctionnel, l’affaire a pourtant failli terminer aux assises. Le premier août 2016, un jeune de Tsoundzou se rend à Dembéni pour aider au déménagement de sa tante. Sur le chemin du retour, alors qu’il marche vers la mairie pour trouver un taxi, il croise une bande de jeunes du coin, dont plusieurs anciens camarades de classe. Il ne se méfie pas et s’approche d’eux, mais le groupe le prend à partie. Parmi eux, le prévenu de ce mercredi. Il tente d’arracher sa sacoche à la victime qui se défend. « Quand il a résisté j’ai été pris de colère, et j’ai eu envie de le tuer » explique le plus simplement du monde le prévenu. Par la voix de son interprète, car quoique natif de Mayotte, ce jeune de 20 ans ne parle pas français.

Laurent Sabatier présidait l’audience collégiale (Image d’archives)

Il aurait alors sorti une pique à brochette en aluminium et tenté de poignarder la victime avec. Mais cette dernière saisit l’arme improvisée, désarme son agresseur et prend la fuite dans Dembéni. Le groupe d’une quinzaine de personnes le prend en chasse et le coince dans une rue où il reçoit cette fois des coups de poings, de pieds, et un coup de tournevis dans la poitrine, occasionnant un pneumothorax et 15 jours d’ITT.
« Vous l’avez embroché comme un poulet, et encore les poulets, on ne les embroche pas vivants. Vous vous rendez compte de la gravité des faits ? Il aurait pu mourir ! » tonne Laurent Sabatier. Face à lui, le prévenu alterne dénégations et excuses.
Le montant du vol est dérisoire : un portable, 5€ et deux clés usb. Interrogé sur le mobile de cette attaque ultra violente, le prévenu oscille la tête. « Je ne sais pas vraiment expliquer, mais les gens de Dembéni et de Tsoundzou ne s’entendent pas. Je ne sais pas pourquoi ».
« En prison il n’y a pas de vie, c’est la souffrance là bas »
« Les Mahorais s’entre-tuent, c’est ça la leçon du jour, déplore le président. Ils s’ennuient et n’ont que ça à faire. »
Le jeune homme à la barre, tout juste majeur au moment des faits, n’est vraisemblablement pas l’auteur du coup de tournevis mais « il n’y a pas lieu de dissocier ce qu’il a fait de ce que les autres ont fait » explique le procureur Camille Miansoni qui appelle à le condamner « à la hauteur des faits reprochés ».
En fait, il avait déjà été condamné en septembre 2017, mais par défaut, c’est à dire en son absence. D’autres comparses également, dont plusieurs mineurs devant le tribunal pour enfants, et un majeur, à 12 mois de prison ferme. C’est la peine dont avait écopé le prévenu en septembre dernier.
N’étant pas présent à l’audience, le tribunal avait délivré un mandat d’arrêt à son encontre. C’est grâce à cela que lors d’un contrôle début avril, il a été identifié et incarcéré. Il a alors fait opposition au premier jugement, et était rejugé en sa présence comme le prévoit la loi. Le procureur a toutefois demandé à ce que la peine soit alourdie à 18 mois dont 12 ferme. Le tribunal a prononcé un an ferme et 6 mois avec sursis simple. Le prévenu avait tenté de demander un travail d’intérêt général ou une liberté avec bracelet électronique. « En prison il n’y a pas de vie, c’est la souffrance là bas ». Sans succès, le tribunal l’a renvoyé à Majicavo pour les 11 prochains mois.
Y.D.