Outre les pistes qu’il va donner à l’élaboration du Schéma Régional de développement économique et d’Innovation (SRDE2I), l’atelier sur l’économie de la mer avait comme intérêt de rassembler les principaux protagonistes de la pêche, et de cultures marines.
La pêche reste un des premiers secteurs porteurs. Mais là encore, elle se heurte aux normes européennes, avant même d’avoir pu se structurer : le haut du casier, ce sont les 3 palangriers de 13 m de Cap‘tain Alandor (sur 6, 3 ont été vendus), puis on compte 140 barques de pêche homologuées, 315 barques non homologuées et enfin, 740 pirogues à balancier, pour 750 tonnes pêchés en 2016.
Développer les flottilles de pêche, l’Europe n’aime pas, en vertu de la protection de la ressource, face aux gros thoniers méditerranée notamment. Mais Mayotte a obtenu une dérogation, « nous avons jusqu’en 2019 pour nous doter de barques supplémentaires, et jusqu’en 2025 pour acheter 10 nouveaux palangriers, mais qui peut être chef de file et effectuer une veille juridique pour pas louper le coche ? », interpellait Abdou Dahalani, président du CESEM et du Parc marin, qui menait les débats. « N’ayons pas peur de faire venir des armateurs de métropole qui auront les moyens d’investir », plaidait l’ancien directeur des Ressources terrestres et maritime du Département. Si certains s’étranglaient à cette idée qui grignote leur part de gâteau, elle permettrait au moins de ne pas laisser passer le coche.
Car depuis l’obtention de la dérogation il y a plus d’un an, rien ne semble avoir bougé. Les fonds européens vont permettre d’implanter sous la férule de la Direction de la Mer Sud Océan Indien (DMSOI, ex-Affaires maritimes), 7 pontons de pêche autour de l’île, avec machine à glace et hale à marée pour distribuer le poisson, mais la capacité de la flotte ne s’est pas développée. Il n’y a pas non plus de port de pêche à Mayotte : « La DSP du port de commerce de Longoni permet un emplacement pêche », glisse Régis Masséaux, mais on a vu lundi lors du partage d’expérience de la Martinique, que les Antillais cherchaient justement à se désengager des conflit d’usage entre ports de commerce et de pêche sur un même lieu.
Pas de formation, pas de bateaux
Avant d’acheter des barques de pêche homologuées, il faut des pêcheurs diplômés. En 2021, pêcheurs et capitaines devront avoir une licence de pêche aux normes, « c’est à dire 200 diplômés en 3 ans, alors que nous ne recevons plus de financement de la Direction du Travail, et que le conseil départemental compétent sur la formation, n’a pas sorti de plan de formation. D’autre part, l’arrêt des bourses pré-Bac, prive la moitié des CAP matelots de poursuivre en Bac pro en métropole, leur famille n’en ont pas les moyens », explique Eric Bellais, directeur de l’Ecole d’Application Maritime. Selon le patron de pêche Régis Masséaux, les jeunes rechignent en plus à se lancer dans un métier où la ressource se raréfie, mais le côté artisanal des bateaux rebute. Un de ses collègues déclarait, « nous avons donc été contraints de recruter des comoriens ».
Pour se doter de bateaux de pêche, il faut un port, mais aussi des marins diplômés pour les piloter, qui, quand ils viennent de métropole pour travailler à Mayotte, repartent quand en voyant l’état des barques… la pêche reste donc, un serpent, de mer, qui se mort la queue.
Le second secteur qui fut porteur, l’aquaculture-pisciculture, n’est plus que l’ombre d’elle-même. Plusieurs raisons. L’interdiction en 2014 des subventions qu’avait octroyées le conseil général de l’époque, pour passer aux fonds européens, dont l’arrivée tardive en 2017 a achevé la filière.
La guerre des parcs
« Mais il y a eu des conflits entre aquaculteurs, alors que l’outil de production aurait pu être récupéré », précisait Mounir Ahmed, l’ancien directeur de la DRTM. Enfin, le Parc Naturel Marin a apposé un véto définitif sur la zone retenue par le projet Aqua Matter de Jean-Claude Pastorelli, « ne pourrait-il pas modifier son projet ou le Schéma de développement de l’Aquaculture ne pourrait-il pas évoluer ? », interroge Abdou Dahalani, en tant que président du PNM. On apprenait qu’il n’était en effet pas encore validé.
Le volume envisagé de 1.500 tonnes dans une même zone n’est en effet pas compatible avec la préservation du lagon, indiquait un participant, « c’est la mort du milieu naturel. »
Pour la perliculture, Nuru kombé, expliquait devoir monter les perles par un joailler métropolitain, « je ne trouve pas de personnel qualifié ». Autre branche, l’algoculture avait fait l’objet d’un projet de recherche au Sieam, et attend un porteur de projet : « En Bretagne, nous transformons les algues pour des produits pharmaceutiques, la beauté ou l’alimentation animale », expliquait Thierry Pellerin, secrétaire de la conférence sociale Région Bretagne, invité pour le colloque.
En conclusion, si ces secteurs veulent se développer, il faut un organisme de recherche de référence comme IFREMER, « et nous devons nous poser des questions sur notre volonté de développer ces filières à forte valeur ajoutée ».
Si le secteur des croisière n’a pas été abordé, on a vite fait le tour de celui du tourisme marin : infrastructures inexistante en terme de marina pour les plaisanciers, timides créations de base nautiques, 8 entreprises de sorties découverte et 8 entreprises de plongée, « ce ne sont pas des Clubs ». Ce tourisme est de l’avis de tous une source de développement et de bonne tenue des plages, comme en témoigne celle d’Ololo, à Sakouli.
Et puisque nous sommes sur l’eau, rêvons un peu avec le projet de Frédéric Niewiadomski, Maitre de Port de Plaisance, qui fait entrer la régate hauturière dans la région avec son Défi Inter Ylang, un peu sur le mode Route du rhum : « Il s’agit de lancer des régates entre Madagascar, Mayotte, Maurice, Les Seychelles, Moroni et Zanzibar, avec une escale et circuit découverte de chaque île, dans un objectif de coopération régionale. »
Avant de voir la vie en bleue, de l’eau va couler sous les bateaux de pêche à Mayotte…
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
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