Il y a quelques années, ce quartier était peuplé de bidonvilles, comme on en trouve encore dans les villes et villages de Mayotte. Aujourd’hui, les tôles qui constituaient les cases ont laissé la place aux ascenseurs qui grimpent au sommet des immeubles.
C’est en présence de la fille du Mzé et actuelle maire de Sada, Anchya Bamana, que la petite cérémonie menée par Gilbert Annette, premier magistrat de Saint-Denis, s’est déroulée vendredi dernier. Devant une petite centaine de personnes, Mahorais mais aussi Comoriens, le maire de Saint-Denis a pris la parole aux côtés de Ali Combo Debré, conseiller départemental, pour rendre hommage au père de la départementalisation de Mayotte.
Les premiers Mahorais se sont installés à La Réunion dans les années 60, et pour une bonne partie d’entre eux, c’est à Saint-Denis qu’ils posent leurs valises. « Démunis, souvent en situation de grande pauvreté, ils rejoignent ce quartier qui à cette époque regroupait d’importantes poches de bidonvilles. Ils participent à la vie économique, souvent en position d’exécutants dans les cinémas et les restaurants, parfois même comme vendeurs ambulants », a rappelé Gilbert Annette. Aujourd’hui, rares sont les communes où l’on ne compte pas au moins un représentant de la communauté mahoraise en tant qu’élu. Le maire du chef-lieu réunionnais n’a pas manqué de souligner que c’est grâce aux vagues de migrations, qu’elles soient en provenance de Mayotte, d’Inde, des Comores ou d’ailleurs, que s’est construit le « vivre-ensemble réunionnais ».
« Bamana, c’est notre héros »
L’inauguration de cette place, si elle paraît comme un signe fort, fait grincer des dents. Certains y voient un simple geste en direction des Mahorais pour ramasser quelques voix en vue des prochaines élections. Qu’à cela ne tienne, les habitants du quartier sont fiers de pouvoir désormais aller se promener sur cette place publique baptisée en l’honneur d’un combattant de Mayotte française. Rencontrée quelques jours après la cérémonie, Salima Doifir, originaire de Mtsangamouji est installée depuis plus d’une décennie à La Réunion. Elle ne cache pas son émotion : « Bamana, c’est notre héros, en tant que Mahoraise je suis fière de voir ici, à Saint-Denis, une place qui porte son nom. Cela veut dire que son combat dépasse les frontières de notre île ! »
Ibrahim quant à lui est né et a grandi dans ce quartier. Il ne savait pas que la place où il use les bancs avec ses amis presque tous les jours une fois sortis de l’école avait été baptisée quelques jours plus tôt, mais il semble satisfait : « c’est bien parce que nous les Mahorais on est souvent rejetés ici, on nous colle une mauvaise image et pourtant on est nombreux à ne rien faire de mal. Cette place c’est comme une reconnaissance pour nous tous ». Ali Combo Debré, conseiller départemental de Mamoudzou 3, disait dans son discours la semaine dernière : « la place publique, comme la rue nous l’habitons et nous l’empruntons pour aller et venir. C’est un lieu de citoyenneté car elle se partage et elle accueille l’intensité de la vie sociale du quartier ».
A quand l’enseignement du combat de Mayotte française en cours d’Histoire pour chaque petit Réunionnais, peu importe ses origines, sache qui était le Mzé ?
M.C.